mercredi 25 décembre 2019

Purple Mountains - Purple Mountains [Drag City]

J'ai parfois vu passer le nom de David Berman. J'ai plus souvent vu celui de son groupe, Silver Jews, revenir. Mais je ne m'y suis jamais arrêté, quand bien Stephen Malkmus, quand bien même Bob Nastanovich. Alors en août dernier, quand la mort de David Berman a été annoncée, je n'ai pas été spécialement touché. Mais les tombereaux d'hommages, de gens tristes à en pleurer, les témoignages bouleversés disant à quel point cet homme avait marqué leur vie, tout ceci m'a interpellé.

Quelques semaines plus tôt, j'avais écouté le premier album de Purple Mountains, nouvelle formation de David Berman qui revenait après un silence de près de 10 ans (et la séparation des Silver Jews). Une écoute rapide, parmi d'autres, vite expédiée, pas spécialement marquante, qui plus est dans un été qui commençait mal. Et puis est arrivé le 7 août, la tristesse des uns, les pleurs et l'incompréhension des autres. Et Purple Moutains s'est ré-imposé dans mes oreilles ; pour savoir qui était cet artiste qui avait touché et ému tant de personnes. Pour comprendre à côté de quoi j'étais passé passé ces 30 dernières années. En quelques écoutes, la réponse s'est présentée d'elle-même. On appelle ça un choc à retardement.

Car ce disque est d'une beauté transcendante. Par sa musique, indie-pop aux accents country, ses morceaux que David Berman construit et sait embellir au moment du refrain (superbe Nights That Won’t Happen), les fantômes qu'il convie (celui du Range Life de Pavement sur That’s Just the Way That I Feel et Maybe I’m the Only One for Me, deux chansons qui ont la même ligne mélodique,  ceux des Rolling Stones sur She’s Making Friends, I’m Turning Stranger), la chaleur qui se dégage de ses mélodies - avec invariablement une douce mélancolie en arrière-plan -, et la voix de David Berman, des tournures joliment troussées plein la bouche (« Ghosts are just old houses dreaming people in the night »), parfaite pour conter ces histoires empreintes de désespoir et de fatalisme.

Car s'il rend un hommage touchant à sa maman décédée (I Loved Being My Mother’s Son), 'Purple Mountains' est un album où il est question de peine, d'amertume et de tristesse (un sens encore plus aigu depuis le 7 août dernier) : que David Berman parle de sa rupture d'avec sa femme Cassie après 20 ans de mariage (She’s Making Friends, I’m Turning Stranger), de son incapacité désormais à être heureux (Maybe I’m the Only One for Me) ou de la fatalité qui semble l'habiter (« My every day begins with reminders I've been stranded on this planet where I've landed beneath this gray as granite sky. A place I wake up blushing like I'm ashamed to be alive » sur Margaritas at the Mall, tube indie en or massif du disque ; « I spent a decade playing chicken with oblivion, day to day, I'm neck and neck with giving in, I’m the same old wreck I've always been » sur le tristement prémonitoire That’s Just the Way That I Feel). 

Pour autant, le mélange des deux n'en fait un disque dépressif. Non, l'alliage est subtil et penche vers un ensemble d'où s'échappe une touchante mélancolie et une troublante sincérité. Surtout, 'Purple Mountains' est un album somptueux et majeur. Le genre de révérence sublime, à la 'You Want It Darker' de Leonard Cohen. Un disque qui préfigure en quelques sortes les évènements futurs, sans que nous ne nous en rendions vraiment compte sur l'instant. Et qui fait de David Berman un artiste pour lequel on ressent rapidement un amour immodéré - quand bien même (et c'est très perturbant) ce papier n'aurait sans doute jamais vu le jour sans sa disparition. (Sortie : 12 juillet 2019)

Plus :
'Purple Mountains' de Purple Mountains est en écoute sur le bandcamp du groupe
'Purple Mountains' de Purple Mountains est à l'achat sur le bandcamp du groupe
'Purple Mountains' de Purple Mountains est également en écoute sur Spotify et Deezer (notamment)
Beaucoup de beaux papiers ont été écrits suite au décès de David Berman. Mais si vous ne deviez en lire que deux pour comprendre à quel point cet homme touchait les gens, il faut lire ceux de Pauline Le Gall : l'un sur l'album 'Purple Mountains', écrit quelques jours avant son décès. L'autre publié quelques jours plus tard.

Trois chansons de cet album de Purple Mountains. Margaritas at the Mall, tube imparable de l'album (également en écoute dans les playlists Spotify, Deezer et SoundsGood (Apple Music, Qobuz, etc) dans la colonne de gauche de ce blog). Puis Nights That Won’t Happen et son sublime refrain. Et enfin That’s Just the Way That I Feel et son côté prophétique :






Pour finir, les deux clips de cet album de 'Purple Mountains' : Darkness and Cold et All My Happiness Is Gone :





EDIT : On vient de me faire découvrir le très bel éloge de Jeffrey Lewis, quelques jours après la disparition de David Berman, lors d'un concert en appartement. Jeffrey Lewis y parle de Berman, de sa joie de travailler avec lui pour pour concevoir la pochette de 'Purple Mountains', de sa réaction à l'écoute du disque (« It was the saddest most depressed and suicidal record I have ever heard. (...) When you hear this record, this is the work of a guy about to kill himself. The most hopeless depressed record that anybody ever made »), de ses échanges à ce propos avec Berman. Et du dernier message qu'ils se sont envoyés. Cela dure 8mns, c'est touchant au départ, bouleversant au final :



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