lundi 1 octobre 2018

[Track of The Day] Alain Bashung - Immortels

C’est un peu la news de la fin de semaine dernière : Alain Bashung va avoir droit à un album posthume. Il s’appellera 'En Amont', sortira le 28 novembre prochain et contiendra des chansons jamais publiées, écrites et/ou composées par entre autres Arman Méliès, Joseph d'Anvers, Doriand ou Raphaël. Voilà pour les informations brutes.

Afin de promouvoir ce disque, un premier single a été mis en avant. Il s'agit d'Immortels (en écoute ce jour). Initialement, Immortels est une chanson composée par Dominique A pour Alain Bashung et qui aurait pu figurer sur 'Bleu Pétrole', le dernier album de celui-ci. Le souci, c’est qu’elle avait été refusée par Bashung lui-même.
Sa qualité intrinsèque n’étant sans doute pas en question (Dominique A en a donnée une version magnifique sur son album 'La Musique'), on peut imaginer que le fantaisiste militaire ne se voyait pas chanter un texte parlant autant de la mort alors qu’il se savait condamné (Bashung est mort des suites d’un cancer un an presque jour pour jour après la sortie de son ultime album).

Mais surtout, il n'était peut-être pas totalement convaincu que cette chanson siérait à son répertoire. Alors évidemment, je nage en pleine supputations, mais à l'écoute de cette version, il n'est pas totalement impossible que ce soit cela. Car s'il est très touchant de réentendre la voix de Bashung sur une chanson inédite - qui plus est de cette qualité là -, l’ensemble n'est pas forcément cohérent ni vraiment convaincant.
On sent que les mots, le rythme voire même la musique (beaucoup moins orchestrée que la version de Dominique A, mais rentrant totalement dans le cadre de 'Bleu Pétrole') ne sont pas en adéquation avec le chant de Bashung. Tout du long, il y a une sorte de détachement entre la mélodie et les paroles, comme s'il n'arrivait pas à rentrer totalement dedans.

Mais plus globalement, c'est le procédé qui rend l'ensemble gênant. Et je le dis d'autant plus fort que je ne suis pas un intégriste de ce genre de choses. Dans quelques semaines, j'irai acheter le jour de sa sortie 'The Bootleg Series Vol. 14 'More Blood, More Tracks' de Bob Dylan consacrée à l'enregistrement de 'Blood and The Tracks', où l'on retrouvera notamment les New-York Sessions de 1974, dont j'avais parlé ici. Il est même fort possible que je me fasse l'acquéreur de la réédition des 50 ans de 'The Beatles', le double-blanc des Fab Four, moins pour le disque original (j'ai la version du coffret Mono de 2009, elle me va très bien) que pour les sessions de l'époque et les 27 chansons des 'Esher Demo' dont on m'a dit le plus grand bien.
Mais l'idée c'est que dans ces deux cas précis, les artistes ont donné leur accord. Mieux, les versions, si elles vont être nettoyées, devraient être les mêmes que celles enregistrées à l'époque. Elles ne feront sans doute pas l'objet de mise en avant en radio. Bref, il s'agit là à mon sens plus de bonus pour fans ou complétistes comme moi que de vrais nouveautés pour le grand public.

La démarche de Chloé Mons me semble toute autre ici. Comme elle le dit lors d'une interview donnée à RTL : « La sève était là, la colonne vertébrale des morceaux était là mais pas tellement plus (...) c'est délicat de retravailler des morceaux quand la personne n'est plus là, ça pose mille questions (...) Il fallait être complètement avec son âme, c'est un peu fou de dire ça mais vrai, pour être dans un respect total du geste d'Alain ». On a donc retravaillé les morceaux, on les a terminés, évidemment sans l'accord de Bashung. Mais heureusement, le traditionnel « je voulais en faire profiter tout le monde » est de sortie, donc tout va pour le mieux.
Ce disque posthume est une hérésie. Que ces morceaux refusés terminent sur les rééditions de 'Bleu Pétrole', de 'L'Imprudence', de 'Fantaisie Militaire' ou de tous ses albums qui ont précédé ce triptyque essentiel auraient eu un sens. Mais faire les fonds de tiroir pour composer un album en bonne et due forme me semble particulièrement problématique. Et même insultant pour la carrière d'Alain Bashung.

Traitez moi de cynique mais je rapproche plus cette sortie de toutes celles commises par Mary Guibert, la mère de Jeff Buckley qui, si elle avait en stock des enregistrements de son fils reprenant sous la douche les chansons de 'Grace', aurait sorti un cinquantième disque posthume ; ou des ayant-droits d'Hendrix, pas avares eux non plus en dépeçage de l’œuvre dont ils obtiennent la gestion.

Bref, gênant aux entournures, cet album posthume n'est pas forcément bienvenu sur le papier. Et le « vendre » en proposant la version refusée d'Immortels n'est pas la meilleure idée, tant la cohérence de l'ensemble n'est pas évidente - alors que justement, les trois chef d’œuvres de Bashung ne souffraient eux d'aucune discussion. C'est une belle curiosité, touchante car sa voix y est belle, puissante et que le texte prend depuis 9 ans une autre ampleur. Mais rien de plus. Et si la musique et la voix d'Alain Bashung sont immortelles, la sortie de ce 'En Amont' est triste : 'Bleu Pétrole' était une si somptueuse épitaphe...

Album : En Amont
Année : 2018
Label : Barclay


En plus des playlists Spotify et Deezer (colonne de gauche de ce blog), la version d’Immortels par Alain Bashung est également en écoute via son clip ci-dessous :


Et puis qu'on est lundi, double ration d'Immortels, avec la version de Dominique A :



9 commentaires:

  1. Bravo pour ce papier. Effectivement recycler les fonds de tiroirs une fois le principal intéressé disparu n'est pas très sympa. Personnellement je n'écoute jamais les inédits, car s'ils n'ont jamais été édités, c'est qu'il y avait un problème d'intérêt artistique ou de qualité d'interprétation.

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  3. Je suis en total désaccord avec ce commentaire qui n'est qu'une interprétation personnelle. La principale raison c'est que Bashung lui-même, se sachant condamné, avait dit à Chloé Mons qu'il y avait beaucoup de choses à réécouter dans le studio, qu'il y aurait beaucoup de choses à sortir et qu'il faudrait s'en occuper. Voir lettre de Chloé Mons elle-même. Que Bashung n'ait pas voulu inclure "Immortels" dans Bleu Pétrole de son vivant est compréhensible... Ceci étant, je trouve cette chanson absolument magnifique et parfaitement réussie, autant concernant l'interprétation que l'arrangement qui en a été fait. On n'en rajoute pas, c'est sobre et terriblement bouleversant à écouter maintenant.
    Merci pour ce chef d’œuvre.

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  4. @ Eric Meyer : En fait, moi je peux les écouter, mais j'aime qu'on les mêmes dans le bon contexte. Trouver ce morceau sur une réédition de "Bleu Pétrole" ne m'aurait pas gênée, si la chanson (ou les prochaines à venir) sont estampillées "face-b", "sessions" ou "démos". Là, c'est plus problématique.

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  5. @ Livi Livi : je suis sans doute trop cynique donc. Mais vraiment pas convaincu. Et le pire c'est que quand Immortels a été sortie par Dominique A et que j'ai appris qu'elle aurait pu se trouver sur "Bleu Pétrole", je me suis dit que la version de Bashung devait être magnifique et que c'est vraiment une question de pudeur qui l'avait poussé à ne pas l'intégrer.
    A l'écoute là, moins convaincu qu'il n'y ait que cela.
    Après, à quel point la chanson a été réarrangé, etc, on ne le saura sans doute jamais. Mais dans cette version, il y a un truc qui "cloche", comme s'il n'arrivait pas à s'accaparer la chanson.

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  6. Totalement d'accord sur la version d'Immortels.
    Moins pour dire que Bleu Pétrole est un chef d'œuvre. Il est selon moi (et d'autres) largement en-dessous des 2 précédents (et de sa discographie en général).

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  7. Oh tu es sévère ! Autant pourquoi pas, je veux bien entendre que c'est le 3è de la trilogie (en qualité), autant il est quand même vraiment au-dessus du reste. D'ailleurs, la carrière de Bashung pré-Fantaisie n'est pas si exceptionnelle que cela (j'ai pas dit "nulle" hein, loin de là).

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  8. C'est mon ressenti, hein. Déjà j'ai du mal avec Gaetan Roussel… et même, à part 1 titre ou 2, je n'accroche pas aux morceaux. Et faut avouer qu'après l'Imprudence, c'était difficile d'être à la hauteur.
    Je ne sais pas, j'ai jamais réussi à l'apprécier. Musicalement, c'est moins inspiré, les textes sont moyens, et ils n'ont pas la force du duo Fauque/Bashung.

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  9. Allez, je comprends que musicalement ca puisse déplaire. Après, des textes comme "Venus", "Comme Un Lego" ou "Tant de Nuits", je les considère vraiment comme certains de ses sommets. (Venus quoi, j'aime tellement cette chanson)

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