Lâcher prise. Dodeliner de la tête sans réfléchir. Lancer des riffs virtuels au volant. Se surprendre à battre la mesure avec son pied droit, tandis que le pied gauche essaie d'échapper à ce rythme pour mieux taper sur une grosse caisse imaginaire. Prendre des baguettes invisibles et fracasser une batterie qui n'existe pas. Voilà à quoi on s'expose à l'écoute d'Overbite, un des quatre premiers extraits déjà publiés du deuxième album des anglais de Fightmilk, 'Contender', à venir le 14 mai prochain.
Une déclaration d'amour d'une jeune femme envers un garçon qui a les dents en avant (overbite) et aux paroles bien troussées (« I can’t stop looking at your two front teeth, they sit so sweet on your bottom lip when you’re going to laugh at me »). Un titre entre rock et punk à roulettes, qui suit les codes du genre mais avec une touche indie en plus, sait ménager ses fracas, et duquel affleure une jolie mélancolie.
Album : Contender Année : 2021 Label : Reckless Yes Records
Après 'Deep Down Happy' l'an passé, premier album du genre sacrément cool, et en plus de la compilation de démos, raretés et autres versions live qu'ils s'apprêtent à sortir fin mai ('Plant Test'), les anglais gentiment timbrés de Sports Team sont de retour avec un nouveau single, Happy (God's Own Country).
Une chanson qui n'aurait pas dépareillée si elle avait été enchainée à Camel Crew ou Here's The Thing l'an passé tant elle comporte tout ce qu'il faut de Sports Team pour plaire : une urgence, des guitares dans tous les sens, un chant fantasque - et qui est une des signatures du groupe - pour au final un petit hit des familles de 2'31" tout pile, énergique et au post-punk comme teinté de pop bougrement entêtant.
Album : - Année : 2021 Label : Bright Antenna Records
Totalement perdu de vue depuis un 'Boys And Girls In America' en 2006 qui avait fait quelques gros titres, recroisé son chanteur à l'occasion d'un split 7" avec les Titus Andronicus, The Hold Steady a continué sa route ; et a même, après quelques conflits interne, retrouvé sa formule initiale, qui est au commande de 'Open Door Policy', leur huitième album.
Un disque qui est une belle surprise. Le temps nous dira comment il alimentera cette année 2021, mais s'il manque un peu de consistance, il est pour le moment bien construit, produit et accrocheur. Du (pub)-rock aux élans héroïques, aux descentes de claviers et autres cors euphoriques, sans faute de goût, et dont les ombres de Springsteen et Titus Andronicus flottent à intervalles réguliers. Parfait pour taper du taper du pied, devenir un homme-orchestre et chanter à tue-tête les histoires de Craig Finn que lui seul semble savoir écrire.
Album : Open Door Policy Année : 2021 Label : Positive Jams / Thirty Tigers
Bien que perdus de vue depuis 10 ans et un énième album en demi-teinte, les Maxïmo Park ont de la suite dans les idées. Passé on ne sait trop comment ni pourquoi à côté d'un succès massif qui pourtant lui tendait les bras avec 'A Certain Trigger', la formation de Newcastle, toujours menée par Paul Smith, n'a jamais abandonné, si ce n’est ses rêves de grandeur, au moins son envie de composer des chansons et des albums.
'Nature Always Wins', leur dernier en date, est là pour le prouver. Tutoyant le sommet des charts la semaine de sa sortie (échouant à 500 disques vendus de la première place décrochée par leurs compatriotes d'Architects), le disque, sans arriver à atteindre les sommets de 'A Certain Trigger' et son amoncellement de tubes, fait pourtant largement le boulot. Il y a bien ici et là quelques chansons totalement dispensables mais globalement, l'ensemble, très bien produit, présente un Maxïmo Park avec une écriture retrouvée, qui va à l'essentiel et où de nombreux titres font mouche, comme ce Versions of You à prendre en intraveineuse (en écoute aujourd'hui).
Album : Nature Always Wins Année : 2021 Label : Prolifica Inc.
Autre chanson de 'Nature Always Wins' de Maxïmo Park, voilà Ardour avec la participation au chant de Pauline Murray, punkeuse anglaise de la fin des années 70 :
Le clip de Why Must A Building Burn?, un des singles tirés de 'Nature Always Wins' de Maxïmo Park, évidemment écrit en référence à l’incendie de la Grenfell Tower en 2017 :
Des trois inséparables Phoebe Bridgers, Julien Baker et Lucy Dacus, c'est de cette dernière dont je me suis le moins épris. Pourquoi, je n'en ai aucune idée mais c'est un fait. Son troisième album 'Home Video' chez Matador en juin prochain changera sans doute la donne. En tout cas s'il est du niveau de Hot & Heavy, le premier single dévoilé.
Une chanson délicieusement pop, qui respire la nostalgie et l'époque d'une autre vie, sur fond de mélodie très simple, mais enthousiasmante, immédiate et efficace en diable.
Album : Home Video Année : 2021 Label : Matador Records
Passé l'an passé à côté de 'Fetch the Bolt Cutters', sympathique album mais dans lequel j'avais du mal à trouver le génie et le formidable qu'on me promettait, Fiona Apple vient refrapper avec beauté dans mes oreilles avec sa reprise de Love More de Sharon Van Etten.
Cette dernière, pour fêter les dix ans d''Epic' (ou presque : la pandémie a sans doute du contrarier la sortie l'an passé), l'album qui l'a vraiment révélé en 2010, deux ans avant l'explosion 'Tramp', a invité sept artistes à venir reprendre une chanson du disque en leur donnant carte blanche. Et pour ainsi dire, le casting fait envie : Big Red Machine, IDLES, Lucinda Williams, Courtney Barnett, St. Panther et donc Fiona Apple.
Celle-ci reprend donc Love More, la chanson qui concluait 'Epic'. Une vraie relecture, assez loin de
l'originale, plus ample, où des chœurs
et des vocalises embrassent la voix superbe et profonde de Fiona Apple, sur des percussions qui donnent le La de l'ensemble.
Six minutes tout rond au compteur et une beauté évanescente : voilà ce qui est au programme de Hacia El Vacío, le premier extrait du nouvel album de Mabe Fratti, violoncelliste guatémaltèque qui vit désormais à Mexico. Une chanson flottante, portée par des cordes de (vous l'aurez compris) violoncelle, quelques notes de synthétiseurs, des bruits ambiants (sans doute gérée par Claire Rousay) et la voix éthérée et au fort potentiel émotionnel de Mabe Fratti.
L'album s'intitulera 'Será que ahora podremos entendernos' (qui, pour ceux qui comme moi ont du faire allemand et pas espagnol en quatrième, devrait signifier un truc comme « c'est maintenant que nous pouvons nous comprendre »). Un disque qui sortira chez Tin Angel Records, pas avare de superbe en cette année 2021 puisqu'ils ont déjà publié l'incroyable 'Tidibàbide / Turn' de Kìzis. Bref, entre la beauté lancinante de Hacia El Vacío et le reste, tous les voyants sont au vert.
Album : Será que ahora podremos entendernos Année : 2021 Label : Unheard Of Hope / Tin Angel Records
J’aurais voulu écrire plus longuement sur cet album. Dire à quel point il est renversant. Dire combien ces sept notes de piano jouées et répétées, comme un mantra, et qui sont le fil conducteur du disque, sont totalement envoûtantes. Expliquer comment l’alchimie entre Floating Points, Pharoah Sanders et The London Symphony Orchestra est parfaite, l’un complétant l’autre, sans jamais prendre le pas sur le troisième. Raconter ces neuf titres, qui n’en forment qu’un (d’où leur juste dénomination, movement). Expliquer ce long voyage (et le mot n’est pas usurpé ici) quasi-instrumental de quarante-six minutes, totalement onirique. Et crier sur tous les toits combien la mélopée que le « trio » développe tout du long est sublime à bien des égards.
J’aurais pu mais d’autres l’ont fait bien mieux que moi (voir plus bas). Alors même si extraire un morceau d’un ensemble aussi cohérent n’a pas vraiment de sens tant un album comme celui-ci s’écoute de la première à la dernière seconde, d’une traite, à la place, écoutons Movement 6. Long morceau de près de neuf minutes, ce titre est le climax du disque. Sans vraiment synthétiser 'Promises', il lui permet de prendre son envol vers des hauteurs divines : de la douceur, toujours ces sept notes de piano répétées à intervalle régulier - et exact - par Floating Points, le saxophone si cajolé de Pharoah Sanders avant que The London Symphony Orchestra ne vienne faire tomber un déluge de cordes à la puissance déchirante. L’apogée d’un album absolument merveilleux, un des sommets de 2021, et bien plus encore, assurément.
La dernière fois que j'ai parlé dans ces pages de Jay-Jay Johanson, c'était il y a quatre ans. A la sortie de l'album éponyme de Loney Dear. Un Loney Dear dont je parlais hier. Sans le vouloir, la boucle est donc bouclée. Et puis, que voulez-vous, ce n'est tout de même pas ma faute si les deux ont une actualité au même moment ?
Et à l'instar de celle de son compatriote, l'actualité de Jay-Jay Johanson est belle aussi. Car si 'Rorschach Test' est le treizième album du Suédois, il n'est pas le plus raté loin de là. Un disque qui hésite et navigue entre ambiance jazzy et trip-hop, tantôt marqué, tantôt évasif et mélancolique, que Jay-Jay Johanson porte de sa belle voix pleine de spleen. Des dix chansons que comptent 'Rorschach Test', et même si elle n'est pas la plus représentative de l'album, on retiendra Cheetah, qui ferme le tout. Une chanson jazzy au possible, qu'on dirait sortie de la cuisse de Fly Me To The Moon, et sur laquelle Jay-Jay Johanson se la joue crooner timide et sensible.
Album : Rorschach Test Année : 2021 Label : 29Music
Quatre après un 'Loney Dear' pas inoubliable mais au sein duquel se trouvaient quelques jolies perles, Emil Svanängen termine sa mue avec 'A Lantern and a Bell', son nouvel et huitième album, sorti sur le label de Peter Gabriel - qui ne lésine d'ailleurs pas sur les superlatifs concernant son nouveau protégé.
Il faut avouer que l'Anglais n'a pas tort vu la qualité de ce premier disque pour Real World Records. Un album apaisé, très simple et qui réduit la voilure au minimum. Mené par un piano, la belle voix de Loney Dear et une production étouffée qui rend l'ensemble comme en apesanteur, 'A Lantern and a Bell' est un disque court, pas forcément mémorable après une écoute mais qui sait sur les suivantes s'immiscer dans l'oreille et le subconscient. Et qui s'ouvre par une vraie douceur, Mute / All Things Pass (en écoute aujourd'hui).
Album : A Lantern and a Bell Année : 2021 Label : Real World Records
'Light Information'avait été une vraie révélation pour moi, qui a longtemps (dix ans tout de même) snobé les sorties de Chad VanGaalen, géant (littéralement) américain, aux mélodies bricolées et à l'indie-rock et pop brinquebalants.
Quatre ans après m'avoir ouvert les yeux, revoilà l'américain avec 'World's Most Stressed Out Gardener' son septième album, encore et toujours chez Sub Pop. Un disque qui s'il manque de consistance et est sans conteste moins marquant que son prédécesseur, n'est pas avare de bonnes chansons. Et notamment Where Is It All Going?, petite balade mélancolique psyché où le petit gimmick mélodique répété à l'envie me fait un effet fou.
Album : World's Most Stressed Out Gardener Année : 2021 Label : Sub Pop
Sept ans après ses débuts et un premier album autoproduit, la songwriter originaire de Los Angeles Johanna Samuels s'apprête à sortir la suite. Ou peut-être redémarrer sa carrière ? Car 'Excelsior!' ne connaîtra pas l'anonymat de son prédécesseur et sera publié sur deux structures, une pour chaque côté de l'Atlantique s'il vous plait.
Difficile de dire à quoi s'attendre vu que Johanna Samuels est une artiste que je découvre. Nous verrons donc bien assez vite ce que 'Excelsior!' nous réserve, mais si l'ensemble est du niveau de deux des premiers singles dévoilés jusque là, nous devrions être face à quelque-chose de très consistant. Car Nature's Way mais surtout All Is Fine, magnifique chanson infusée de l'esprit d'Elliott Smith (en écoute aujourd'hui), sont deux morceaux très prometteurs, aux guitares glissantes et aux mélodies plus que séduisantes.
Album : Excelsior! Année : 2021 Label : Mama Bird Recording Co. / Basin Rock
S'il fallait une chanson pour finir parfaitement cette semaine, s'il fallait un titre pour commencer au mieux ce week-end de trois jours, dut-il se passer avec de la pluie, des températures hivernales et enfermé dans un appartement, ce serait sans aucun doute Wait For Springtime de Kishi Bashi.
C'est une des quatre nouvelles chansons du dernier Ep de l'américain, 'Emigrant Ep', qu'il vient compléter de deux reprises de Dolly Parton (Early Morning Breeze) et Regina Spektor (Laughing With). Un disque qui sortira physiquement à la sortie du confinement prochain mais qui est disponible en digital depuis ce matin.
Mais revenons-en à Wait For Springtime. Une chanson qui aurait eu toute sa place sur 'Omoiyari', une des très belles surprises de 2019. Quelques notes de banjo pour débuter, installer l'ambiance avant que la mélodie ne décolle, au gré de cordes grattées qui prennent et délaissent la lumière, de la belle voix de Kishi Bashi et de quelques chœurs effacés, le tout sous l’œil avisé d'un violoncelle discret. Une chanson splendide, mélancolique mais pleine d'espoir, et surtout diablement efficace. Une petite merveille.
Album : Emigrant EP Année : 2021 Label : Joyful Noise Recordings
Sa pochette bien trop sage ne me disait rien qui vaille ; du genre d'un groupe marketé à l'outrance et monté de toutes pièces, qu'on dirait sorti de la série "Sept à la maison". Le clip du premier single Good Woman non plus, avec son esthétique pub pour L’Oréal, avec que des gens beaux et bien habillés.
Pour autant, le trio de sœurs The Staves, originaire de Watford en Angleterre, ne débarque pas de nulle part vu qu'il est dans le circuit depuis 2012. Et que 'Good Woman' est leur quatrième album. Un disque lisse et sage, où The Staves mélangent leurs voix sur des mélodies pop pas franchement renversantes ni marquantes. Toutefois, on retiendra Best Friend, chanson avec une vraie ambition mélodique, joliment construite et où, pour le coup, la magie opère vraiment.
Album : Good Woman Année : 2021 Label : Nonesuch / Atlantic