Nous sommes en 1998, à Cincinnati. Buck 65 retrouve doseone dans l'appartement qu'il partage avec Why?. Les deux ont l'ambition, en plus de participer à "Scribble Jam" (un évènement annuel hip-hop où se retrouvaient les meilleurs rappeurs, dj et autres graffeurs américains du moment), d'enregistrer un disque ensemble, avec Jel à la production. Deux jours plus tard, le tout est en boite, l'album a un nom ('North American Adonis') et une pochette (confiée à Nic Klein, illustrateur qui débute et ami de Buck 65). Ne reste plus qu'à Jel à mixer et éditer l'ensemble avant de balancer tout ça dans les bacs.
Et puis... rien. La machine sur laquelle tout a été enregistré rend l'âme, sans que personne n'ait pu sauvegarder quoique ce soit. Ou si peu : les premiers enregistrements ont été faits sur un 4-tracks appartenant à Odd Nosdam (toute la clique Anticon de l'époque est décidément impliquée dans ce disque) mais le trio est très vite passé sur une autre machine, qui a donc crashé.
Rapidement, ces quelques bribes finissent par arriver sur Internet. Une qualité très moyenne, un son étouffé mais quelques fulgurances qui laissent entrevoir ce que cela aurait pu donner. Et c'est tout. Buck 65, doseone et Jel continuent leur petit bonhomme de chemin et lancent véritablement leurs carrières respectives, pendant que le temps s'occupe de créer la légende - underground - autour de ce disque mort-né.
Il y a un an, sur son blog, Buck 65 publie un billet où il raconte l'histoire de ce 'North American Adonis' (d'où est tiré ce résumé). Il revient longuement sur les différentes étapes de sa création, explique que c'est le seul album de toute sa carrière qu'il a perdu et finit par ces mots : « I honestly think it would have been an underground classic ».
Est-ce ce papier qui a déclenché la suite ? Ou était-elle déjà dans les tuyaux ? On ne le saura jamais mais il y a un mois, Buck 65 a publié un second billet à propos de 'North American Adonis'. Cette fois, pour dire qu'il allait enfin voir le jour. Il raconte ainsi que doseone, Jel et lui-même se sont réunis pour reprendre ce qu'il restait des brouillons de l'époque pour finaliser l'album comme ils l'avaient envisagé. Que Nic Klein, pourtant devenu un célèbre dessinateur pour Marvel Comics, a accepté que le trio utilise sa pochette d'origine tout en insistant pour lui donner un coup de frais. Et que le magasin/label d'Oakland Handsmade Records en a fait presser 300 exemplaires en vinyle (la version digitale étant laissée à A Purple 100 le propre label de doseone). Dix jours plus tard, le disque est disponible de partout et la version physique devient sold-out en moins de temps qu'il ne faut pour le dire (espérons d'ailleurs que nos trois acolytes décideront de sortir une version CD pour combler tout ceux qui sont passés à côté).
A l'écoute, il s'avère très vite que 'North American Adonis' n'est pas un remaster des premiers enregistrements, mais un tout nouvel album, aux fondations et à la structure vieille de vingt-cinq ans. D'époque ne restent que quelques bribes de production et surtout la majorité des beats de Jel, que ce dernier avait eu la prescience de sauvegarder. Le reste ? Rien qui n'avait été entendu jusque là. Le trio a fait appel à ses vieux souvenirs pour reconstituer ce qu'ils avaient créé en deux jours, début juin 1998.
'North American Adonis' est un disque à l'ancienne, construit autour d'un tuner de radio qui parcourt la bande FM et qui s'arrête de temps en temps dès qu'il capte une station. Toute la production est l’œuvre de Jel (sauf deux skits, laissés à Mr. Dibbs, un des fondateurs de "Scribble Jam", évènement à qui l'on doit en partie l'existence de cet album) qui balance ses sons et ses scratchs avec toujours les mêmes fluidité et dextérité, aussi old-school qu'actuels. Les raps sont évidemment l'affaire de doseone et Buck 65 qui se renvoient la balle comme à leurs meilleures années, sur des textes totalement réécrits pour l'occasion, aussi bien pour être plus en phase avec notre époque que parce que les originaux sont, eux aussi, introuvables.
Et tout cela fait de 'North American Adonis' un disque saisissant. Et s'il n'est pas passéiste pour un sou, il est comme une capsule temporelle qui nous ramène au tournant des années 2000, au meilleur d'Anticon, quand ce label était une référence et que ses membres étaient les meilleurs agents hip-hop de l'époque et dominaient, si ce n'est le monde, au moins leur monde. « I honestly think it would have been an underground classic » disait Buck 65. Il avait foutrement raison. (Sortie : 24 novembre 2023)
'North American Adonis' de Buck 65, doseone et Jel est à l'achat sur bandcamp
'North American Adonis' de Buck 65, doseone et Jel est en écoute, notamment, sur Spotify et Deezer
L'histoire de 'North American Adonis' de Buck 65, doseone et Jel est racontée en deux épisodes sur le blog de Buck 65 (et son résumé dans cette chronique vient évidemment de là) :
"North American Adonis" (partie 1)
"25 Years In The Making : The North American Adonis rises!" (partie 2)
Trois morceaux de 'North American Adonis' de Buck 65, doseone et Jel en écoute aujourd'hui. Ouvrons le bal avec le dark Not Weird (en écoute également dans les playlists Spotify, Deezer, YouTube et dans la colonne de gauche du blog). Continuons avec Purist. Et finissons avec Alive In a Landfill :
Pour les curieux, voilà le 'North American Adonis' « original », soit le peu de ce qui a été sauvé d'avant le crash. Et qui traine sur internet depuis 25 ans :
Superbe découverte ! Merci pour le partage ;)
RépondreSupprimerAvec plaisir cher Anonyme ! Merci à toi. <3
RépondreSupprimerQuel disque en tout cas. Faut vraiment que les trois compères sortent un pressage CD. C'est pas possible de se limiter à 300 LP.