Né sur les cendres de Local Suicide, Dina Summer, comme son nom ne l'indique pas, est un trio originaire de Berlin, composé de Konstantina Paschalidou Brudi (Dina Pascal), de Max Brudi (Brax Moody) et de Jakob Häglsperger (Kalipo). Trois artistes qu'on retrouve sur la pochette de 'Girls Gang', leur deuxième album sorti à la fin janvier.
Un disque entre synth-wave (et waves en tous genres), synth-pop, disco, electro (Disco Goth, tube en puissance, en écoute aujourd'hui), aux effluves post-punk (formidable Schall & Rauch) pour un ensemble très efficace, souvent dansant, plein de beats, qui certes tabasse plus qu'il ne touche (la faute à une production particulièrement musclée autant que chiadée) mais qui n'oublie jamais ni la noirceur ni la mélancolie dans ses compositions (superbe Nothing to Hide, entre autres). Un disque de genre certes, mais un disque de genre plus que recommandable.
Album : Girls Gang Année : 2025 Label : Iptamenos Discos
Né à Ipswich, ayant grandi en Allemagne, au Groenland et un peu de partout aux États-Unis, Bartees Leon Cox Jr. est un artiste américain qui se produit sous le nom de Bartees Strange, qui est signé, excusez du peu, chez les révérés 4AD et qui vient de publier son troisième album, 'Horror', après un 'Farm to Table' qui (lis-je, je découvre notre homme), aurait eu son petit succès, fut-il d'estime, il y a trois ans.
Derrière sa pochette qui mélange affiche de film de yakuzas et typographie entre film d'horreur et black métal, rien de bien renversant ici. L'impression même que le meilleur se trouvait dans les quatre singles publiés en amont de 'Horror' tant les huit autres morceaux semble faire office de remplissage. Parmi ces quatre morceaux, on trouve Sober, première chanson dévoilée à l'automne dernier, qui derrière ses atours initiaux assez faciles voire fades, dévoile peu à peu une facette insoupçonnée, où le feu grandit sous la glace, telle une colère qui ne demande qu'à exploser, et qui se termine par quelques éclats de guitar-hero très 80s.
Découvert à la fin du mois dernier, Sacred Paws est un groupe qui prend son temps : il aura fallu près de six ans pour voir le duo écossais composé de Eilidh Rodgers et Ray Aggs publier son troisième album. Celui-ci se nomme 'Jump Into Life' et fait dans l'indie-jangle-twee-pop. Mais pas à la cool. Plutôt euphorique, sur-vitaminée voire presque épileptique, où la guitare ne semble jamais vouloir jouer autrement que vite, encore plus vite, toujours plus vite. Le genre d'album qui sur la longueur m'épuise personnellement, mais qui pris par petites touches n'est pas exempt de qualité, de chouettes mélodies et donc de bonnes chansons. Du genre Save Somehting en ouverture ou Fall For You (en écoute aujourd'hui), un des singles de 'Jump Into Life', de la twee-pop sous speed qui sonne comme si les Allo Darlin' d'Elizabeth Morris (qui, soit dit au passage, viennent de se reformer) avaient fricoté avec le Vampire Weekend des débuts.
Album : Jump Into Life Année : 2025 Label : Rock Action Records / Merge Records
« Beauty in the Noise » annonce et promet le deuxième album du parisien Arthur Dubois, l'homme qui se cache derrière le projet Persica 3. Et soyons clairs, il ment éhontément. Car si de beauté il est beaucoup question ici, peu ou pas de bruit à proprement parler. Non, ici, tout est absolument délicieux, de ses mélodies chiadées à son psychédélisme lumineux, de cette ambiance sixties à souhait à cette production lo-fi d'une grande justesse, en passant par ce travail sur les voix et les chœurs, comme démultipliés.
Il y a dans cet album autant de Beach Boys que de Panda Bear (à moins que ce ne soit l'inverse) et de Beatles, autant de pop, de soupçon de soul que de chansons diaboliquement mélodique et psyché. Avec en point d'orgue, une doublette tout à fait irrésistible en tout fin de 'Beauty in the Noise' : Angel Falls, chanson de clôture, pleine de cordes merveilleuses, et surtout sa prédécesseure Teach Me (en écoute aujourd'hui), sorte de rencontre entre le génie de Brian Wilson, le doigté pop des Fab Four et les girls-group des années 60.
Album : Beauty in the Noise Année : 2025 Label : Hidden Bay Records
Vendredi matin. Alors que le printemps repointe le bout de son nez après quelques jours pluvieux, j'ai la tête dans le seau. Non pas à cause de l'élimination rocambolesque de mon équipe de cœur à Manchester, alors qu'elle tenait le bon bout après une demi-heure splendide et pleine de n'importe quoi (l'âge aidant, j'ai désormais assez de recul pour ne plus être au trente-sixième dessous le lendemain d'une défaite homérique et impensable de l'équipe que je supporte). Plutôt à cause des pintes et London-mule ingurgités pendant près de cinq heures devant le même match, dans un bar en fusion.
Forcément, le réveil du lendemain pique. Genre très fort. L'impression d'être passé sous un camion, un bus et une cinquantaine de trottinettes, avec une balle, apparue dans ma boite crânienne entre temps, qui ne veut pas arrêter de rebondir de tous côtés. Que voulez-vous, mes vingt ans sont désormais bien loin.
Et alors que ce vendredi (évidemment travaillé), un disque va venir me sauver : 'Send A Prayer My Way' de Julien Baker et TORRES, deux artistes déjà évoquées et aimées de ces pages. Un premier album commun, entre americana, country et folk-rock, qui sur le papier faisait envie mais dont mon enthousiasme à son égard avait été quelque peu douché par quelques singles pas franchement renversants.
Sauf que 'Send A Prayer My Way' fait parti de ces disques dont l'unité est la force principale. Là où les chansons prises individuellement ne sont pas marquantes, toutes ensembles, elles font sens. Et où tout déroule impeccablement, où les voix de Julien Baker et Torres se complètent parfaitement et où leur americana, country et folk/folk-rock fait mouche très souvent.
Alors certes, on n'en fera pas de le disque de l’année. Tout n'est pas saisissant, rien n'est extraordinaire. Mais 'Send A Prayer My Way' reste un bel album, bien composé (pour n'en citer que trois : Dirt, Sugar in the Tank ou encore le superbe Tape Runs Out et son violon ivre, en écoute aujourd'hui), élégant souvent, presque désuet parfois et qui lui confère un côté encore plus charmant. Un disque câlin, attachant et qui vaut toutes les aspirines du monde. En plus, la pochette est jolie.
Album : Send A Prayer My Way Année : 2025 Label : Matador Records
Quelques singles assez peu passionnants disséminés ici et là, beaucoup de silence et puis enfin le retour : Tugboat Captain, quatuor devenu sextet, aura pris son temps (cinq ans !) pour donner une suite à son 'Rut' inaugural, bien beau disque de pop orchestrale et baroque, plein de promesses.
Ce deuxième album s'intitulera 'Dog Tale', sortira le 25 avril et ne mentira pas sur la marchandise vu qu'il parlera d' « amour, de foyer et de chiens ». Thank God (en écoute aujourd'hui) en est le troisième single. Une chanson simple, joliment orchestrée, aux chœurs beaux comme tout, mais faussement optimiste et vraiment déprimée, où il n'est pas vraiment question de Dieu (ici, Thank God est utilisée comme expression courante) et qui raconte l'histoire d'un homme qui se réveille un matin avec la gueule de bois et confronte
ses échecs, ses choix ratés et foireux, la vie qu'il aurait pu avoir et
qu'il n'a pas eu, aux réussites de ses amis ou de ses connaissances. Et il a beau répéter comme un mantra « Thank god / It’s a beautiful morning / And I hope / it’s a beautiful day » sur chacun des refrains pour tenter de se rassurer, de se persuader que tout va aller pour le mieux et que tout ceci n'est pas bien grave, la colère froide qui enfle au fur et à mesure ne fait pas mystère de l'inefficacité du procédé. La meilleure chanson sur la crise de la quarantaine.
Elle n'a beau avoir que 11,7 millions d'habitants, ne faire que 31 000 km² de superficie, on a parfois tendance à l’oublier, mais la Belgique est vraiment l’autre pays de la pop. Si les exemples sont légions sur les trente dernières années (je ne vous ferais pas l’insulte ici de les nommer), la source semble intarissable et les spécimen continuent d’affluer. Dernier exemple en date, Marble Sounds. Un groupe (belge donc) formé à la fin des années 2000 autour de Pieter Van Dessel et qui vient de publier son sixième album, 'Core Memory'.
Un disque qui frappe avant tout par la beauté de sa pochette. Œuvre de Elke Verschatse, elle est l'aboutissement du travail réalisé sur les visuels des singles sortis en amont (An Emotional High, If You Would Prove Me Wrong Now et Give or Take a Few) : un design minimaliste et géométrique, des couleurs vives et chaudes ; une esthétique qui rappelle évidemment certaines œuvres de Peter Saville et qui surtout colle parfaitement avec le titre de l'album, 'Core Memory', nom qui vient d'un livre de photographies consacré à l'évolution des ordinateurs de leur création à nos jours, publié en 2007 par Mark Richard et que Pieter Van Dessel a découvert lors d'une visite au Computer History Museum de la Silicon Valley aux États-Unis.
Et la musique dans tout ça ? Aguichante dès les premières notes de An Emotional High, morceau d'ouverture du genre qui vous happe instantanément avec ses nappes pleines de mélancolie, elle ne relâche son étreinte qu'aux toutes dernières notes de A Place to Call Mine. Marble Sounds démontre tout au long de 'Core Memory' un vrai talent pour déployer des chansons pop pleines de synthé, de magnifiques guitares et de basses profondes, souvent marquantes, accrocheuses quand elles ne sont pas carrément excitantes, tout en étant touchant dès que le tempo ralentit, que les balades prennent le lead et que l'ambiance se fait plus intimiste (le superbe Give or Take a Few, tout au piano et qui est, pour la petite histoire, une sorte de réponse au tube A Thousand Miles de Vanessa Carlton de 2002).
Extrêmement bien construit, sombre autant que lumineux, pas avare de grands moments (An Emotional High donc, Hear Me Talking ou Not All Is Vain, tube de l'album qui ne cesse de prendre de l'ampleur tout du long et qui se finit en sorte d'électro-pop dansante à souhait), relevant chaque morceau d'un pont diablement efficace (comme s'il était besoin), rappelant plus souvent qu'à son tour les Postal Service autant que Wolf Parade de 'Cry Cry Cry' (If You Would Prove Me Wrong Now), et s'autorisant même un Catch It Alive presque FM mais très efficace, 'Core Memory' de Marble Sounds fait partie de ces disques immédiats et parfaits, qui placent les mélodies et la mélancolie au-dessus de tout et s'y tiennent et dont la qualité des dix compositions ne se dément jamais, faisant mouche à chaque nouvelle écoute. Un coup de cœur immense et assurément un des très grands albums de 2025. (Sortie : 7 mars 2025)
Plus : 'Core Memory' de Marble Sounds est en écoute sur la page bandcamp du groupe 'Core Memory' de Marble Sounds est à l'achat sur la page bandcamp du groupe 'Core Memory' de Marble Sounds est à l'écoute un peu de partout
Trois chansons de 'Core Memory' de Marble Sounds en écoute aujourd'hui. Hear Me Talkingpour débuter (en écoute également dans les playlists Spotify, Deezer, Tidal, YouTube et dans la colonne de gauche du blog), son énergie et ses belles guitares. Puis le morceau d'ouverture An Emotional High. Et enfin, last but not least, Not All Is Vain, tube évident de l'album :
A ce jour, une seule chanson de 'Core Memory' de Marble Sounds a été clipée. Mais pas la plus laide, vu qu'il s'agit de An Emotional High :
Plus de trois mois passés en 2025 et il n'a pas été encore question d'Australie dans ces pages. Une incongruité tant le pays continent a été pourvoyeur de nombre coups de cœur de ce pages depuis quelques années. Réparons vite cela en évoquant aujourd'hui The Light Won’t Shine Forever de Floodlights, avant-dernière chanson de 'Underneath', troisième album de Floodlights et sans doute sa meilleure. Un disque d'indie-rock à la tonalité très pop, fait pour
chanter à tue-tête et séduire les foules, mais dont la production trop riche, massive et au final assez balourde, gâche un peu l'ensemble.
Rien de remarquable donc (ni de bien honteux non plus), à l'exception notable de The Light Won’t Shine Forever, superbe chanson à l'énergie progressive et communicative, au petit hook très accrocheur, où le chant plein d'émotions ne surjoue pas ici, et qui a le bon goût de mettre de côté la trompette, présente comme un agent étranger un peu partout sur l'album.
Album : Underneath Année : 2025 Label : [PIAS] Australia
Depuis son premier album 'Music For Tourists' en 2007 - qui m'avait procuré quelques frissons et beaucoup d'émoi (ou l'inverse), je ne crois pas avoir écouté d'autres disques de Chris Garneau. A peine ai-je du jeter une oreille sur 'El Radio' en 2009. Tout juste ai-je souvenir qu'il a du venir jouer à Lyon il y a quelques années. Mais à part ça ? Rien. Totalement perdu de vue.
Alors que je retombe sur lui au hasard des playlists mensuelles du toujours très à la pointe de l'actualité Ben Laredo, j'apprends que Chris Garneau a eu une carrière très erratique, à la discographie chiche (trois albums et un Ep seulement depuis 2009), qu'il a composé quelques pièces de musique pour des spectacles de danse et, plus improbable, qu'il a notamment fait une pause de deux ans pour aller vivre dans une ferme et élever des animaux au début des années 2010.
Retomber sur lui est donc une surprise. Et une surprise de taille tant son nouveau single Goldmine (en écoute aujourd'hui), est une franche réussite. Une sorte de blues synthétique, faussement léthargique, étouffant de prime abord, avec une voix qui semble se balader d'écho en écho, un phrasé piqué, et un trio guitare/basse/batterie presque intermittent mais aux éclats savoureux qui donnent du corps à la mélodie au fur et à mesure de l'avancée du morceau. Magnétique.
The Serfs est un de ces groupes à-part. Du genre sans compromission, qui trace sa voie de post-punk perturbé, de synth-wave plus que pop avec ce soupçon d'indus sans se retourner, toujours sûr de lui, avec une ligne directrice dont il ne démord pas. Comme s'il se fichait du succès et n'entendait rien d'autre que sa vision, qu'elle plaise ou non.
Après trois albums (le dernier, 'Half Eaten by Dogs', date de 2023), le trio de Cincinnati revient petit à petit aux affaires : un 45-tours pour Trouble In Mind Records à l'automne dernier et un nouveau single le 26 mars dernier, Bodies in Water (en écoute aujourd'hui). Une chanson synthétique à la voix pleine d'écho, presque indolente mais à l'efficacité hypnotique, genre de New Order sous tranxène, à la mélodie et aux waves dansantes autant que langoureuses et nébuleuses, et toujours un rien désespérés (« Born with two hearts. One for destruction, and one just to stay alive »).
J'ai tout fouillé. Tout. J'ai passé ma collection de disques en revue. Deux fois. J'ai fouillé les archives de ce blog de fond en comble. J'ai lu toutes les chroniques à leur propos que j'ai pu trouver. J'ai demandé à des amis. J'ai ressorti ma vieille collection de CD mp3 qui traine au fond d'un placard et qui n'avait pas vu le jour depuis sans doute une décennie. J'ai même demandé (première fois pour moi) à Chat GPT. Et... rien. Nada. Que tchi. J'ai beau écouter, réécouter, et reréécouter depuis quinze jours Life Is A Movie, la chanson qui ouvre 'Surgery and Pleasure' de Vundabar, je n'arrive pas à mettre l'oreille sur le groupe auquel ce trio américain me fait penser - et pas qu'un peu.
Pourtant, il y a tout dans ce morceau qui devrait sonner comme une évidence : la production comme granuleuse, ces guitares nerveuses et leur façon de sonner, ce chant et surtout ce refrain (ce foutu refrain même !). Mais non, toujours rien. Et le reste de l'album, dans la lignée de cette chanson d'ouverture, ne m'a pas plus aidé. On a beau y entendre du Interpol, du Against Me, du Editors, un rien de Pavement (la longue balade I Need You), de Franz Ferdinand aussi (ce côté dansant qui ressort ici et là) et plus globalement toute une flopée de groupes des années 2000 (et sans doute même plutôt dans sa deuxième moitié), rien n'y fait et surtout, rien de quoi me convaincre totalement. Non, la vérité est ailleurs semble-t-il, mais où ? La question est là.
Vous me direz, est-ce vraiment crucial ? Pour ma santé mentale, sans doute, oui. Mais en vérité, non, Life Is A Movie (en écoute aujourd'hui) étant une sacrée bonne chanson, qui ouvre qui plus est un bel album, plus anglais qu'on pourrait le croire, et qui, s'il ne réinvente pas la roue vous l'aurez compris, le fait bien. Surtout, un morceau qui se suffit à lui-même, aguicheur, riffeur, nerveux et sacrément bien tourné. Mais tout de même, si quelqu'un a une idée, l'illumination ou ne serait-ce qu'un bout de piste, je suis preneur : je suis sur le point de devenir fou.
Album : Surgery and Pleasure Année : 2025 Label : Loma Vista