Né à Ipswich, ayant grandi en Allemagne, au Groenland et un peu de partout aux États-Unis, Bartees Leon Cox Jr. est un artiste américain qui se produit sous le nom de Bartees Strange, qui est signé, excusez du peu, chez les révérés 4AD et qui vient de publier son troisième album, 'Horror', après un 'Farm to Table' qui (lis-je, je découvre notre homme), aurait eu son petit succès, fut-il d'estime, il y a trois ans.
Derrière sa pochette qui mélange affiche de film de yakuzas et typographie entre film d'horreur et black métal, rien de bien renversant ici. L'impression même que le meilleur se trouvait dans les quatre singles publiés en amont de 'Horror' tant les huit autres morceaux semble faire office de remplissage. Parmi ces quatre morceaux, on trouve Sober, première chanson dévoilée à l'automne dernier, qui derrière ses atours initiaux assez faciles voire fades, dévoile peu à peu une facette insoupçonnée, où le feu grandit sous la glace, telle une colère qui ne demande qu'à exploser, et qui se termine par quelques éclats de guitar-hero très 80s.
Découvert à la fin du mois dernier, Sacred Paws est un groupe qui prend son temps : il aura fallu près de six ans pour voir le duo écossais composé de Eilidh Rodgers et Ray Aggs publier son troisième album. Celui-ci se nomme 'Jump Into Life' et fait dans l'indie-jangle-twee-pop. Mais pas à la cool. Plutôt euphorique, sur-vitaminée voire presque épileptique, où la guitare ne semble jamais vouloir jouer autrement que vite, encore plus vite, toujours plus vite. Le genre d'album qui sur la longueur m'épuise personnellement, mais qui pris par petites touches n'est pas exempt de qualité, de chouettes mélodies et donc de bonnes chansons. Du genre Save Somehting en ouverture ou Fall For You (en écoute aujourd'hui), un des singles de 'Jump Into Life', de la twee-pop sous speed qui sonne comme si les Allo Darlin' d'Elizabeth Morris (qui, soit dit au passage, viennent de se reformer) avaient fricoté avec le Vampire Weekend des débuts.
Album : Jump Into Life Année : 2025 Label : Rock Action Records / Merge Records
« Beauty in the Noise » annonce et promet le deuxième album du parisien Arthur Dubois, l'homme qui se cache derrière le projet Persica 3. Et soyons clairs, il ment éhontément. Car si de beauté il est beaucoup question ici, peu ou pas de bruit à proprement parler. Non, ici, tout est absolument délicieux, de ses mélodies chiadées à son psychédélisme lumineux, de cette ambiance sixties à souhait à cette production lo-fi d'une grande justesse, en passant par ce travail sur les voix et les chœurs, comme démultipliés.
Il y a dans cet album autant de Beach Boys que de Panda Bear (à moins que ce ne soit l'inverse) et de Beatles, autant de pop, de soupçon de soul que de chansons diaboliquement mélodique et psyché. Avec en point d'orgue, une doublette tout à fait irrésistible en tout fin de 'Beauty in the Noise' : Angel Falls, chanson de clôture, pleine de cordes merveilleuses, et surtout sa prédécesseure Teach Me (en écoute aujourd'hui), sorte de rencontre entre le génie de Brian Wilson, le doigté pop des Fab Four et les girls-group des années 60.
Album : Beauty in the Noise Année : 2025 Label : Hidden Bay Records
Vendredi matin. Alors que le printemps repointe le bout de son nez après quelques jours pluvieux, j'ai la tête dans le seau. Non pas à cause de l'élimination rocambolesque de mon équipe de cœur à Manchester, alors qu'elle tenait le bon bout après une demi-heure splendide et pleine de n'importe quoi (l'âge aidant, j'ai désormais assez de recul pour ne plus être au trente-sixième dessous le lendemain d'une défaite homérique et impensable de l'équipe que je supporte). Plutôt à cause des pintes et London-mule ingurgités pendant près de cinq heures devant le même match, dans un bar en fusion.
Forcément, le réveil du lendemain pique. Genre très fort. L'impression d'être passé sous un camion, un bus et une cinquantaine de trottinettes, avec une balle, apparue dans ma boite crânienne entre temps, qui ne veut pas arrêter de rebondir de tous côtés. Que voulez-vous, mes vingt ans sont désormais bien loin.
Et alors que ce vendredi (évidemment travaillé), un disque va venir me sauver : 'Send A Prayer My Way' de Julien Baker et TORRES, deux artistes déjà évoquées et aimées de ces pages. Un premier album commun, entre americana, country et folk-rock, qui sur le papier faisait envie mais dont mon enthousiasme à son égard avait été quelque peu douché par quelques singles pas franchement renversants.
Sauf que 'Send A Prayer My Way' fait parti de ces disques dont l'unité est la force principale. Là où les chansons prises individuellement ne sont pas marquantes, toutes ensembles, elles font sens. Et où tout déroule impeccablement, où les voix de Julien Baker et Torres se complètent parfaitement et où leur americana, country et folk/folk-rock fait mouche très souvent.
Alors certes, on n'en fera pas de le disque de l’année. Tout n'est pas saisissant, rien n'est extraordinaire. Mais 'Send A Prayer My Way' reste un bel album, bien composé (pour n'en citer que trois : Dirt, Sugar in the Tank ou encore le superbe Tape Runs Out et son violon ivre, en écoute aujourd'hui), élégant souvent, presque désuet parfois et qui lui confère un côté encore plus charmant. Un disque câlin, attachant et qui vaut toutes les aspirines du monde. En plus, la pochette est jolie.
Album : Send A Prayer My Way Année : 2025 Label : Matador Records
Quelques singles assez peu passionnants disséminés ici et là, beaucoup de silence et puis enfin le retour : Tugboat Captain, quatuor devenu sextet, aura pris son temps (cinq ans !) pour donner une suite à son 'Rut' inaugural, bien beau disque de pop orchestrale et baroque, plein de promesses.
Ce deuxième album s'intitulera 'Dog Tale', sortira le 25 avril et ne mentira pas sur la marchandise vu qu'il parlera d' « amour, de foyer et de chiens ». Thank God (en écoute aujourd'hui) en est le troisième single. Une chanson simple, joliment orchestrée, aux chœurs beaux comme tout, mais faussement optimiste et vraiment déprimée, où il n'est pas vraiment question de Dieu (ici, Thank God est utilisée comme expression courante) et qui raconte l'histoire d'un homme qui se réveille un matin avec la gueule de bois et confronte
ses échecs, ses choix ratés et foireux, la vie qu'il aurait pu avoir et
qu'il n'a pas eu, aux réussites de ses amis ou de ses connaissances. Et il a beau répéter comme un mantra « Thank god / It’s a beautiful morning / And I hope / it’s a beautiful day » sur chacun des refrains pour tenter de se rassurer, de se persuader que tout va aller pour le mieux et que tout ceci n'est pas bien grave, la colère froide qui enfle au fur et à mesure ne fait pas mystère de l'inefficacité du procédé. La meilleure chanson sur la crise de la quarantaine.