Longtemps, j’ai toujours eu un rapport difficile avec les reprises. Non pas que j’étais totalement fermé à ce genre mais je me suis toujours demandé quel était l’intérêt de retravailler (ou non la plupart du temps) une chanson d’un autre plutôt que d’écrire une composition originale. J’ai souvent trouvé que cela était un moyen trop facile pour plaire et pour faire vendre des disques. Bref, une technique pour artiste en manque d’imagination ou de « produits » essayant de s’acheter une légitimité aux yeux de beaucoup.
Et puis un jour, j’ai découvert
Johnny Cash, remis en selle par
Rick Rubin, qui s’amusait, à quelques heures de sa mort, à reprendre quelques titres célèbres, à les dépouiller et à leur donner une force immense avec quelques funestes de notes de guitares ou de piano, enveloppées dans une voix rocailleuse à nulle autre pareille. Ce type là a changé ma conception des
covers en reprenant
Hurt de
Nine Inch Nails, un titre qui surpasse de loin l’original et me file toujours autant de frissons, même après un nombre incalculable d’écoutes.
Sans oser mettre les deux artistes au même plan,
Adem (ex-membre de
Fridge, le groupe qu’il formait avec, notamment,
Four Tet) joue dans la même catégorie. Artiste (presque) totalement inconnu en France malgré deux albums divins (surtout le premier,
‘Homesongs’, dont il faut absolument écouter le somptueux
These Are Your Friends, un de mes singles de l’année 2004,
disponible ici), il revient avec un troisième album… de reprises (vous l’aurez compris),
'Takes' le bien nommé. Challenge délicat donc. Mais qu’il relève haut la main avec une force et un talent inouï. Et de deux manières.
Premièrement dans le choix de ses compositions. Ici, pas de standards ou de titres connus de tous. Non.
Adem a du goût et nous le fait savoir en reprenant
Yo La Tengo,
Aphex Twin,
Lisa Germano, Björk (période
'Homogenic') ou même
Tortoise. Un tracklisting surprenant mais bien vu.
La seconde est dans la réécriture de ces titres.
Adem a toujours été partisan d’un folk conteporain, lumineux et où les notes de guitares sonnent comme jamais. Et sur
'Takes', il continue dans cette voie là. Il faut l’entendre sublimer
Hotellounge de
dEUS, envoyer au septième ciel mélodique
Invisible Man des
Breeders ou épouser les contours nerveux de
Starla des
Smashing Pumpkins (une b-side sortie en 1992).
Sur deux titres,
Adem devient même fascinant (voir plus bas) :
Oh My Lover de
PJ Harvey, beaucoup moins électrique que l’original mais aux cordes somptueuses et le
To Cure A Weakling Chile (Boy Girl Song) d’
Aphex Twin, dans la plus pure tradition
Adem, avec chœurs, xylophones, guitare acoustique, le tout se répétant et s’emmêlant, à l’infini.
Bref, dans la même veine qu’un
Jim O’Rourke période
Eurêka (la filiation est toujours d’actualité),
Adem continue sur sa lancée d’un folk qui scintille et qui respire, en redonnant vie à quelques titres fameux, pour la plupart passés dans l’oubli. Bref, un album de covers intelligent et diablement réussi.
(sortie: 12 mai 2008)
Son :
Myspace (dont trois titres de ‘Takes’)
Site Officiel
Myspace non-officiel (quatre titres de ‘Homesongs’ en écoute)
Pour faire les choses bien, deux titres en écoute, les deux plus beaux de l'album selon votre serviteur: Le Oh My Lover de PJ Harvey et le To Cure A Weakling Chile (Boy Girl Song) Aphex Twin. Malheureusement plus en écoute.
Finissons en beauté avec une vidéo d'Adem reprenant 'Hotel Lounge' de dEUS (malheureusement plus disponible).