Pendant peut-être quinze ans, j'ai vu passer cette pochette dans les feeds de mes différents réseaux sociaux. Elle m'intriguait : deux jeunes garçons, un blanc et un noir, dépenaillés, assis sur bord de piste, l'un souriant, l'autre étant trop sérieux pour son jeune âge. Et aucune mention du nom de l'album, ni du groupe ou de l'artiste en question. Juste la photo de ces deux gamins, belle et puissante.
Un jour, j'ai appris qu'il s'agissait de la pochette de 'Clube da Esquina', disque de 1972 de deux brésiliens, Milton Nascimento et Lô Borges, dont je n'avais jamais entendu parler. J'ai lu les avis dithyrambiques le concernant. J'ai compris qu'il avait été une influence majeure - et pas qu'au Brésil. J'ai lu les déclarations enflammées à ce que beaucoup - en fait tous - considéraient comme un chef d’œuvre absolu, de la musique brésilienne bien sûr, mais surtout de la musique tout court. Mais j'en suis resté là. Allez comprendre.
Le 12 janvier dernier (oui, c'est précis, mais on se souvient toujours de la première écoute d'un disque marquant), pour la première fois, j'ai lancé 'Clube da Esquina'. J'ai découvert cette musique brésilienne, inventive, poétique et d'une beauté rare, pleine de folk, de variations pop baroques, portée par des voix absolument sublimes. Et j'ai réalisé que tout ce que j'avais pu lire ou entendre à son propos n'était pas exagéré. Que c'était bien l'album merveilleux attendu. Et que le terme de chef d’œuvre n'était pas du tout galvaudé.
La première écoute a été une immense claque. Les suivantes ont peut-être été encore plus intenses. Et depuis, c'est devenu un compagnon sûr. Alors, à l'annonce de la mort de Lô Borges à 73 ans, ce dimanche à Belo Horizonte, la ville qui l'a vu naître, j'avoue avoir un petit pincement au cœur. Et c'est humain : on est toujours triste quand un artiste qui nous a bouleversé - qui plus est à 45 ans passés - s'en va, quand bien même on ne sait finalement rien de lui.
Fait rare dans ces pages, la une de ce papier hommage n'est pas une photo de Lô Borges mais la pochette de 'Clube da Esquina', avec ces deux gamins, si beaux et si touchants. Parce qu'il y a tout dans cette image. Parce qu'il y a tout dans cet album.

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