Voilà une nouvelle chanson Belle and Sebastian qui m'a pris par surprise. Simple chute de studio de leur dernier - et plutôt quelconque - album en date 'Late Developers', What Happened to You, Son? est pourtant tout ce qu'il y a de réjouissant - et aurait mérité de figurer dessus.
Une chanson « à l'ancienne », genre époque 'Dear Catastrophe Waitress', euphorique comme il faut, pleine d'énergie, avec une mélodie qui a le bon goût de rester dans un coin de la tête
et dont les voix doublées et les cuivres (cette trompette, n'est-ce pas là tout ce qu'on aime ?) sont faits pour emballer leur monde.
Un What Happened to You, Son? qui aurait fait une formidable face-B, où Stuart Murdoch évoque ce sentiment de trahison (que lui même a ressenti dans sa jeunesse) qui étreint tout fan de musique, d'artistes et/ou de stars lorsque ceux-ci changent, évoluent et partent dans une direction qui n'est plus du tout celle de leurs débuts. Une émotion difficile à contester tant nous avons sans doute tous dû y faire face un jour.
Est-ce la hype anglaise qui m'a fait venir à reculons à ce 'This Could Be Texas', premier album de English Teacher ? Sans doute. Il faut dire que depuis le temps qu'on la suit, on s'est habitué à ses lubies et à ses emballements aussi éruptifs que sans lendemain. Pourtant, le quatuor de Leeds avait plus qu'éveillé ma curiosité l'an dernier avec Nearly Daffodils, épatant single à l'immédiateté dingue. J'aurais dû être le premier à me jeter sur ce disque. Mais trop de louanges, ça questionne, forcément. Alors, même si la première écoute de 'This Could Be Texas' a été plutôt convaincante, ça ne m'a pas bouleversé et j'ai remisé l'album de côté, convaincu qu'on était sur quelque-chose de finalement quelconque de la part groupe aussitôt apparu et qu'il allait aussitôt être oublié.
Quel sot je fus. Car j'ai évidemment donné une autre chance à ce premier album des English Teacher. Déjà parce que la première écoute avait été au débotté (c'est le souci quand on fait autre chose pendant ce temps là et qu'on est à moitié à son affaire). Et puis toutes ces dithyrambes, ça interpelle, ça interroge. C'est perturbant. On a envie d'être sûr de son coup. Mais plus d'hésitation : sachez-le, sûr, je le suis désormais. 'This Could Be Texas' n'est pas un bon premier album. 'This Could Be Texas' n'est pas un très bon premier album. Non, 'This Could Be Texas' est un excellent premier album, du genre qui a une autre période aurait fait date, marqué son temps et son époque. Mais quel disque en 2024 fait date, noyé qu'il est dans un nombre
toujours plus grands de sorties hebdomadaires - quand elles ne sont pas
quotidiennes ?
Alors plutôt que de vouloir le faire entrer de force dans un panthéon qui n'existe pas, félicitons nous de cette œuvre remarquable des English Teacher. Treize chansons pour cinquante minutes, au fil d'Ariane post-punk mais qui n'en fait pas pour autant un disque post-punk. Car il y a tellement plus ici : de l'indie-rock (I'm Not Crying You're Crying) aux relents slowcore (Albatross, parfaite entrée en matière), de la pop belle à tomber (This Could Be Texas) ou plus synthétique (Sideboob) de balades majestueuses (Mastermind Specialism, You Blister My Paint ou Albert Road, chanson de conclusion à la fin brutale, comme pour rappeler qu'ils viennent du post-punk), de points d'exclamations presque free-jazz (Broken Biscuits), et même de simili R’n’B (sublime The Best Tears of Your Life).
Auréolé d'une production remarquable qui ne subit pas les chansons mais sait s'adapter à elles, d'un mix méticuleux, de basses terriblement soignées, de guitares qui jouent le feu et la glace, d'une rythmique impeccable (élément moteur de l'album), de textes pas anodins et bien dans leur époque, le tout soutenu par la voix toujours plus surprenante et belle de Lily Fontaine qui alterne avec subtilité spoken word et chant, 'This Could Be Texas' est un disque immense, aux compositions, à la construction et à l'unité éclatantes. Un album, un vrai, pensé comme tel, écrit comme tel, assemblé comme tel. La marque des très grands. Ce que sont les English Teacher, assurément. La perfide Albion ne s'est pas trompée. (Sortie : 12 avril 2024)
Plus : 'This Could Be Texas' de English Teacher est à l'écoute sur bandcamp 'This Could Be Texas' de English Teacher est à l'achat sur bandcamp 'This Could Be Texas' de English Teacher est disponible à l'achat et à l'écoute un peu partout
Trois chansons de 'This Could Be Texas' de English Teacher en écoute aujourd'hui. I'm Not Crying You're Crying pour ouvrir le bal, entre post-punk et indie-rock (en écoute également dans les playlists Spotify, Deezer, YouTube et dans la colonne de gauche du blog). Puis la chanson de conclusion Albert Road, belle et ample comme tout. Et enfin le superbe The Best Tears of Your Life, R’n’B en diable et qui a tout d'un tube :
Beaucoup de singles ont été tirés de 'This Could Be Texas' de English Teacher. Et donc beaucoup de clips. Comme on ne va pas tous les publier, optons pour ceux de The Best Tears of Your Life et Albert Road :
Beaucoup de belles choses dans ce 'Who Does the Music Love?', premier album des américains de Outer World, le nouveau projet de deux anciens de Positive No, Tracy Wilson et Kenneth Close. Un disque qui a plus des allures de long Ep que d'un véritable album (sept morceaux pour tout juste vingt-trois minutes) mais qui ne manque pas de sacrées chansons, le plus souvent garage-pop psychédéliques, lorgnant parfois vers des sonorités sixties, le tout auréolé d'une production post-punk plutôt parfaite.
Un disque sur lequel plane l'ombre de The Sweeping Promises (c'est le
premier nom qui m'est venu à l'écoute de 'Who Does the Music Love?'), de l'ambiance générale en passant par des petits détails (l'intro de Have qui ne peut pas être autre chose qu'un gros clin d’œil à Cross Me Out). Et le fait que les premières démos d'Outer World aient été enregistrées dans leur studio ou que Lira Mondal soit de la partie sur la chanson d'ouverture The Drum the Beat n'y est évidemment pas pour rien. En quelque sorte donc, Outer World est le petit frère psyché de The Sweeping Promises. Espérons pour lui qu'il suive la même trajectoire.
Album : Who Does the Music Love? Année : 2024 Label : Happy Happy Birthday To Me Records
Quoiqu'en dise son titre, Dream of You n'est pas une énième chanson d'amour. Enfin si. Mais pas comme on l'entend habituellement. Car celle-ci est dédiée à un chien, celui de Stewart Bronaugh, un des deux membres des américains de Lionlimb. Décédé il y a deux ans, Limbo (c'est son nom, qu'il donne à l'album d'ailleurs) avait une telle place dans la vie de Bronaugh qu'il a longtemps habité les rêves de son propriétaire - des moments, comme il le raconte lui-même, joyeux et quasi réels.
Si les paroles expriment très bien cette sensation (« Darlin', until then I'm gone to sleep again, pleadin' and hopin' for
each new day to end, 'Cause all that I can do 'til it comes true Is
dream of you »), la joie est plutôt absente de Dream of You. Mais pas la beauté. Chanson de blues rêveur à l'ambiance presque trip-hop, lancinante et langoureuse, elle est habillée par la voix de la formidable Angel Olsen, empreinte de mélancolie, dans lequel on entend
quelques soupçons de Jennifer Charles d'Elysian Fields.
Album : Limbo Année : 2024 Label : Bayonet Records
Il était question d'ambiance soulful hier avec la magnifique December In Her Eyes de Pernice Brothers ? Continuons donc sur la lancée avec aujourd'hui en écoute Through It All, morceau qu'on n'avait pas vu venir de la part de deux artistes plus si jeunes, à la longue carrière mais dont la gloire est désormais derrière eux.
Les deux en question sont RJD2 et Jamie Lidell. L'un américain, auteur d'un album mémorable en 2002 'Deadringer' (et d'un titre Ghostwriter d'une classe toujours aussi folle plus de vingt ans après, même après avoir été pendant longtemps le générique d'une émission radiophonique humoristico-sportive quotidienne ou d'avoir enchainé les synchro), homme charmant, tiré à quatre épingles au début de sa carrière et qui un jour tomba sous le charme d'Arnaud Fleurent-Didier par l'entremise de votre serviteur. Et de l'autre un anglais, synth-funkeur du futur chez Warp et qui aurait mérité sans doute un peu plus de succès à l'époque.
Sauf que les années 2000 c'était il y a vingt ans. Et que depuis, nos deux amis sont rentrés dans le rang. Et que je les ai totalement perdus de vue. Si RJD2 continue de publier de nouveaux albums tous les deux ou trois ans, c'est dans une indifférence plutôt générale. Quant à Jamie Lidell, il semble s'être rangé des voitures.
Les voir réunis pour le premier single du prochain disque de RJD2 'Visions Out Of Limelight' est donc une surprise. Et elle a une belle gueule la surprise, car Through It All est une sacrée chanson : plus de cinq minutes d'un r&b smooth et aérien, porté par le chant soul au possible de Jamie Lidell - dont quelques fulgurances évoquent Stevie Wonder - et par une production légère mais travaillée de RJD2, à la rythmique juste et délicate, et aux bruits de bouche inspirés (c'est lui qui le dit) par quelques vieilles et grandes prod de Timbaland (avant qu'il aille fricoter avec M. Pokora en somme).
Bref, Through It All un titre aussi incroyable qu'inattendu, venu en quelque sorte du passé, mais pas passéiste pour autant. Une chanson qui prouve une fois de plus que ce n'est pas forcément mieux avant : c'est surtout bon maintenant.
Album : Visions Out Of Limelight Année : 2024 Label : RJ’s Electrical Connections
December In Her Eyes est une chanson pivot. Celle de 'Who Will You Believe', nouvel album de Pernice Brothers (le premier en cinq ans, le deuxième en quatorze). Car c'est à ce moment là que le disque prend son envol, après quatre premiers morceaux d'indie-pop assez anecdotique (quoique sympathique).
Ici, l'ambiance se fait plus cotonneuse, plus soulful. La voix de Joe Pernice a un phrasé et un grain qui font penser à un chanteur soul des seventies. Quant au reste, on jurerait que Burt Bacharach s'est occupé personnellement de la production de l'ensemble. Le résultat est tout à fait merveilleux, avec son tempo lent, la beauté de ses arrangements et un chant comme fait pour bercer.
Chanson merveilleuse, December In Her Eyes est donc le véritable point de départ de ce 'Who Will You Believe'. A partir de là, l'album se fait beaucoup plus inspiré, aligne quelques très bons moments (Hey Guitar, le beau duo I Don't Need That Anymore avec Neko Case, How Will We Sleep entre autres) ; et si rien n'arrive à la cheville de ce magnifique December In Her Eyes, si les Pernice Brothers mettent leur côté Burt Bacharach au rancart (même si The Purple Rain s'en rapproche), ces morceaux là rendent le disque tout à fait recommandable.
Album : Who Will You Believe Année : 2024 Label : New West Records / Ashmont Records
Modesto est une ville californienne de 250 000 habitants environ, fondée en 1870 par William Chapman Ralston, un grand financier américain de l'époque, qui se situe à mi-distance entre la Baie de San Francisco et Sacramento, capitale de l'état (go Kings !). Voilà pour le point Wikipédia.
Pour les férus de musique, Modesto c'est surtout la ville d'origine de Grandaddy, le groupe derrière le merveilleux 'The Sophtware Slump'. Depuis quelques semaines, c'est également le nom d'une chanson de Pedro The Lion, le groupe de David Bazan, à la carrière et la discographie erratiques (quatre albums entre 1998 et 2004 avant une pause de onze ans et un retour aux affaires en 2017).
Modesto est le premier extrait de 'Santa Cruz', troisième album post-reformation à venir en juin prochain de Pedro The Lion ; et à l'évidence un hommage à la bande de Jason Lytle. Un morceau magnifique, plein de guitare et de langueur et qui est sans aucun doute la meilleure chanson de Grandaddy publiée cette année.
Album : Santa Cruz Année : 2024 Label : Big Scary Monsters / Polyvinyl Records
Sam Forrest est le secret le mieux gardé d'Angleterre. Point. Oui, ne cherchez pas plus loin, l'artiste dont personne ne parle et qui pourtant mériterait qu'on en fasse des gorges chaudes, c'est bien lui. Connu pour avoir été le leader de Nine Black Alps, groupe qui avait eu son petit succès dans les années 2000, l'anglais n'évolue plus qu'en solo depuis une dizaine d'années - dans une veine beaucoup plus pop. Et vu la qualité de ses compositions, cela serait dommage de bouder son plaisir.
Découvert via le magnifique 'Aeroplane Days' (publié en 2021 par Hidden Bay Records), disque savoureux plein de pop/folk joliment ciselée, Sam Forrest vient de remettre le couvert, toujours dans une indifférence assez générale, avec 'Caught Under a Spell', un album qui mérite qu'on y pose plus qu'une oreille distraite.
S'il est sans doute moins immédiat que son prédécesseur (il n'y a pas de chansons qui vous renversent instantanément comme The Best Is Yet To Come), 'Caught Under a Spell' est tout aussi remarquable. Dans cet album où l'anglais joue de tous les instruments, rien n'est à jeter (douze morceaux, pas un à mettre de côté) avec un Sam Forrest qui fait montre à nouveau d'un grand talent de composition, avec toujours cette vibeElliott Smith très prégnante et qui infuse tout du long, autant au niveau des mélodies, des constructions des morceaux, des intros, de cette façon de faire sonner sa guitare, sa batterie, que de cette voix et ce chant qui rappelle plus que jamais l'auteur de 'Either/Or'.
Finalement, à l'instar de The Maureens il y quelques jours, la seule chose qu'on peut reprocher à Sam Forrest, c'est que ses derniers albums ne soient disponibles qu'en (ou presque) version digitale ; et rien d'autre. Pourtant, des disques comme 'Aeroplane Days' (devenu un classique chez moi depuis sa sortie) ou 'Caught Under a Spell' (qui devrait suivre le même chemin très vite) mériteraient d'exister physiquement. Pour qu'ils ne se perdent pas dans les limbes de catalogues streaming toujours plus fournis. Pour qu'on en garde une trace. Pour qu'ils ne deviennent pas « un disque de plus » qu'on oublie à force de ne jamais le croiser sur une étagère. Ces albums le méritent. 'Caught Uunder a Spell' le mérite. Un disque qui semble ressusciter Elliott Smith à chaque nouvelle chanson ne peut pas rester sur le bas côté. Ni laisser insensible. (Sortie : 26 janvier 2024)
Plus : 'Caught Under a Spell' de Sam Forrest est en écoute sur bandcamp 'Caught Under a Spell' de Sam Forrest est à l'achat sur bandcamp 'Caught Under a Spell' de Sam Forrest est également en écoute, notamment, chez Deezer et Spotify
Trois chansons de 'Caught Under a Spell' de Sam Forrest en écoute. Far Away, peut-être la chanson la plus immédiate et nerveuse de l'album (en écoute également dans les playlists Spotify, Deezer, YouTube et dans la colonne de gauche du blog). Puis She Was a Friend of Mine. Et enfin The Man in the House at the End of the Street. Toutes trois nimbées de l'aura d'Elliott Smith :
Comme si ce n'était pas assez, Adrianne Lenker a gardé la plus belle composition de son nouvel album solo pour la toute fin. Elle s'appelle Ruined et pour peu qu'on n'ait pas encore le coeur en miettes après les onze premiers morceaux, elle s'apprête à le briser en mille morceaux.
Ruined est une chanson qui sert le coeur (« So much coming through, every hour too, can't get enough of you, you come around, I'm ruined, You come around, I'm ruined »), d'une beauté époustouflante qui se diffuse petit à petit, au son de quelques notes de piano qui semblent un temps vouloir s'effacer derrière le texte et la voix comme habitée d'Adrianne Lenker.
Ruined est aussi l'apothéose de 'Bright Future', un disque renversant dont la première écoute m'a totalement soufflé et bouleversé. Un album qui s'ouvre par un Real House (dont il est honnêtement difficile de se remettre) et qui tout du long transpire de sincérité, de textes brillants, de petits vers d'une beauté folle (« You have my heart, I want it back » sur Evol). Ses chansons sont simples de prime abord mais on se rend vite compte qu'elles débordent de petits détails mélodiques (un violon grinçant par-ci, un piano discret par là, quelques voix en soutien) et que l'ambiance générale, plutôt ténébreuse, sublime.
Mais surtout, et c'est là la grande force de 'Bright Future', il y a la voix d'Adrianne Lenker. Ici, elle est divine, d'une sincérité et d'une justesse folle. De la première à le dernière note, la chanteuse de Big Thief ne feint pas ses chansons, ne surjoue pas son chant, et ne l'afflige pas
plus qu'il n'a besoin de l'être, alors qu'il y a ici tout pour tomber facilement dans ce travers là.
Produit à la perfection, 'Bright Future' est un disque qui m'a pris par surprise alors que je n'en attendais rien. Un album immense, et qui prend une ampleur à chaque nouvelle écoute. En un mot comme en cent, un chef d'oeuvre comme on en voit peu dans une année. Une reine est définitivement née le 22 mars dernier. (Sortie : 22 mars 2024)
Trois chansons de 'Bright Future' d'Adrianne Lenker en écoute. Ruined, climax du disque et chanson de clôture divine (en écoute également dans les playlists Spotify, Deezer, YouTube et dans la colonne de gauche du blog). Puis le merveilleux Evol. Et enfin, le bouleversant Real House, qui ouvre 'Bright Future' :
Avec comme bagage un album chez Island Records et une quinzaine de singles éparpillés sur sept années de carrière, Chappell Roan est une artiste américaine née dans le Missouri l'année où je m'apprêtais à passer mon bac (misère, déjà). Une jeune femme qui a semble-t-il connu son petit l'année passée avec la sortie de son premier album 'The Rise and Fall of a Midwest Princess', disquequi lui a notamment ouvert les portes de la tournée mondiale d'Olivia Rodrigo pour laquelle elle assure désormais les premières parties.
Chappell Roan a-t-elle déjà ajouté son dernier single Good Luck, Babe! à son tour de chant ? Evidemment. Une chanson aussi efficace, avec son ambiance rétro eighties, son refrain qui éclate, sa voix qui monte haut et qui emporte son monde avec elle, on ne la laisse pas de côté. Un morceau où on entend beaucoup de l'irlandaise CMAT, et à beaucoup de niveaux : le chant, la mélodie, les inspirations et cette capacité à raconter des amours déçus avec talent (ici le choix d'une femme qui, plutôt que s'avouer l'amour qu'elle avait pour Chappell Roan a préféré suivre la voix toute tracée que la société lui avait dictée avant de se rendre compte l'erreur qu'elle avait faite: «And when you wake up next to him in the middle of the night, with your head in your hands you’re nothing more than his wife. And when you think about me all of those years ago, you're standing face to face with "i told you so"»). Grande chanson. Futur tube ?
Quand bien même les prix délirants, les temps de pressage qui s'allongent et la qualité qui reste très aléatoire, le vinyle a toujours la cote du côté des mélomanes, mais aussi des artistes qui semblent tous vouloir passer par la case micro-sillons pour publier leurs derniers albums. Pour ainsi dire, au niveau indé, c'est même souvent soit une version vinyle soit une version digitale, rien de plus.
Prenez 'Everyone Smiles' de The Maureens, quatuor originaire d'Utrecht aux Pays-Bas, dont je viens de faire la découverte (merci Section26 pour sa chronique) malgré plus de dix ans de carrière
et trois albums derrière eux. Ce disque est sans doute dans le très haut du panier de mon année 2024. Il a tout ce
que le passionné de pop recherche : un sens aigu de la mélodie, de sacrées chansons, une énergie à revendre, et des choeurs ou des voix doublées qui se chevauchent ou se
complètent, rehaussant l'ensemble de leurs compositions d'harmonies d'une efficacité folle. Pour résumer, une sorte de mélange de The Lemon Twigs, des regrettés Hal et Jayhawks, avec parfois une pointe de Gulcher (groupe dont on fêtera les dix ans de leur merveilleux 'Cocktails' le 30 juin prochain).
Hé bien, ce 'Everyone Smiles' de The Maureens n'est disponible (enfin « était », le pressage étant épuisé) qu'en vinyle, à un prix tout à fait honnête... jusqu'à la case frais de port (l'ensemble à quarante-cinq euros, merci mais non merci). A part ça ? Une version digitale à dix euros et c'est tout. Même pas un petit pressage cd, bien moins onéreux à produire et bien moins cher à envoyer à l'autre bout de l'Europe. Circulez, y a rien à voir (profitons-en d'ailleurs pour préciser que The Maureens et Meritorio Records sont un exemple et très loin d'être une exception).
Vous me direz, les labels et les artistes font bien ce qu'ils veulent. Et vous aurez raison. D'ailleurs, à l'époque où Without My Hat Records n'était pas en pause, j'ai moi même publié 'Isn't It Fun' de Mondrian uniquement en vinyle. Pour autant, les années ont passé depuis et le vinyle est devenu un objet de luxe. Et je ne peux m'empêcher de pester contre cette mise au rebut du cd, comme s'il était le mal incarné ou un support tout à fait négligeable. Alors qu'il est sans doute voué à reprendre la main sur le vinyle, support totalement dévoyé depuis quelques années et qui ne représente plus grand chose.
Et je rognonne aussi de ne pas pouvoir soutenir un des disques les plus marquants de mon premier trimestre 2024. De ne pas pouvoir l'écouter autrement que sur mon ordinateur ou mon smartphone. C'est évidemment un détail et sans doute anecdotique, mais très franchement, c'est fatiguant à la longue. Surtout que 'Everyone Smiles' de The Maureens est un disque éminemment brillant, à la pop chevillée au corps. Qui mérite qu'on l'écoute et qu'on le soutienne. (Sortie : 19 janvier 2024)
Trois chansons de 'Everyone Smiles' de The Maureens en écoute. Lost & Found pour ouvrir le bal, une des chansons les plus immédiates de l'album (en écoute également dans les playlists Spotify, Deezer, YouTube et dans la colonne de gauche du blog). Puis le très Gulcher Rainy Day. Et enfin, le mélancolique Do You :
Le clip de Fell In Love, un des singles extraits de 'Everyone Smiles' de The Maureens :
Toujours dans un anonymat dans lequel ils n'auraient jamais du tomber (on ne compose pas un disque comme 'San Fermin' sur un coup de chance), les américains de San Fermin continuent leur petit bonhomme de chemin, à publier un nouvel album tous les trois ou quatre ans. Après 'The Cormorant I & II' en 2020 qui les voyait reprendre (et leur folk-pop lumineuse avec) du poil de la bête, revoilà le combo (ils sont huit) avec 'Arms'.
Sans vouloir spoiler qui que ce soit, l'album est plutôt décevant, la faute à une unité qui manque de corps et où les chansons chantées par Allen Tate tranchent trop avec le reste, beaucoup plus quelconque. A tel point qu'on a l'impression d'avoir deux groupes en un, où les voix s'échangent les chansons pour mieux imposer chacune leur style. Comme si elles faisaient chambre à part, micro à part.
Pour autant, si 'Arms' est un album mineur, il recèle tout de même de quelques beaux moments (ces gens là savent faire). Comme le délicat Useful Lies, l'ouverture Weird Environment, la chanson titre ou le triste et mélancolique Wasting on Me (en écoute aujourd'hui), symbole de ce disque écrit par Ellis Ludwig-Leone (le leader de San Fermin) dans la foulée de deux ruptures douloureuses.
Malgré son manque évident de cohérence, 'Peachy' est un des disques qui revient le plus dans mes oreilles depuis trois semaines. Il est l’œuvre de deux anglais, Joey Bradbury et Rowan Martin, qui se produisent sous le nom de The Rhythm Method, et qui auront mis cinq ans à donner suite à leur 'How Would You Know I Was Lonely?' de 2019.
'Peachy' est un disque résolument pop et un peu fourre-tout (quoiqu'en dise le duo qui parle de « cohesive masterpiece ») où l'on passe d'ambiances très eighties à de l'indie-pop à guitare avant de revenir à de morceaux rêveurs et plein de synthés, puis de rebifurquer vers d'autres horizons country-pop quand ils ne sonnent pas presque seventies.
Et pourtant, il faut avouer que cela marche. Car du désordre naît une sorte d'harmonie assez miraculeuse (à laquelle la production de Bill Ryder-Jones n'est pas étrangère), où les grands moments s'enchaînent (Have a Go Heroes, Please Don't Die, le CalexicoDean Martin), où la voix de Joey Bradbury, entre chant et slam, le tout évidemment avec un accent très lad, donne un cachet indéniable à l'ensemble.
Des neuf titres de 'Peachy', c'est I Love My Television (en écoute aujourd'hui) qu'il faut retenir. Sans doute une des toutes meilleures chansons de l'année, d'une simplicité et d'une beauté immédiate, entre indie et jangle-pop, avec son petit motif de guitare irrésistible, ses cordes discrèteset sa mélodie catchy au possible. Une sorte de tube caché que les Smiths auraient enregistré dans la première moitié des années 90.
Album : Peachy Année : 2024 Label : Moshi Moshi Records
En plus des playlists Spotify, Deezer et YouTube, I Love My Television de The Rhythm Method est également en écoute ci-dessous :
Autre chanson très réussie de 'Peachy' de The Rhythm Method, voilà Have a Go Heroes :
Le clip de I Love My Television de The Rhythm Method, grand single de 'Peachy'. Un clip qui enchaîne des images d’émissions TV célèbres parmi lesquelles "Never Mind the Buzzcocks", pop-quizz génial de la BBC :
Si l'on omet ses deux derniers albums en date ('Beyond The End' en 2018 et 'Monochrome to Colour' en 2020) tous deux de qualité mais totalement instrumentaux, cela faisait quasiment huit ans qu'Ed Harcourt n'avait plus sorti un disque de chansons. Et autant vous dire que lorsque l'on aime un artiste, huit ans, c'est long.
Il est donc tout à fait heureux que l'attente n'ait pas était vaine tant ce 'El Magnifico' est une réussite. Et même une très belle surprise, tant je n'attendais pas l'anglais de retour à un tel niveau. Un disque très Harcourt-ien, centré (évidemment) autour du piano, avec
toujours cette production presque excessive mais qui arrive ici à rester sur une ligne de crête et à trouver un juste milieu bienvenu.
L'album navigue entre balades mélancoliques (style dans
lequel notre homme excelle particulièrement) très touchantes, et compositions plus enlevées où piano, guitare, cordes et cuivres partent dans quelques barnums très efficaces, qu'Ed Harcourt mène parfaitement de son chant parfois affecté mais qui lui va si bien.
Des douze chansons qui composent 'El Magnifico', il y en a notamment quatre à retenir : 1987 et son ouverture aux violons que piano et guitare magnifient tout du long ; My Heart Can't Keep Up With My Mind, beauté légère à la mélodie irrésistible ; Into The Loving Arms Of Your Enemy, un des singles de l'album ; et Broken Keys, superbe chanson pop sur laquelle Ed Harcourt a convié Greg Dulli de The Afghan Whigs à venir chanter avec lui.
Pour autant, hors de question de laisser de côté les neuf autres morceaux et de ne pas avoir de pensées pour Strange Beauty, At the Dead End of the World et autres Anvils & Hammers. Car tout se tient, et bien, dans 'El Magnifico'. Un disque pop beau, baroque pour beaucoup, mélancolique jusqu'au bout des ongles, aux orchestrations pleine d'emphase (voire d'exubérance parfois) et à la production flamboyante. Un album d'Ed Harcourt en somme, mais parmi ses tous meilleurs. Et duquel on ressort en se posant une question : notre homme ne serait-il pas le dernier romantique ? (Sortie : 29 mars 2024)
Plus : 'El Magnifico' de Ed Harcourt est à l'écoute sur bandcamp 'El Magnifico' de Ed Harcourt est à l'achat sur bandcamp 'El Magnifico' de Ed Harcourt est à l'achat également ici 'El Magnifico' de Ed Harcourt est également en écoute, notamment, chez Deezer et Spotify
Trois chansons de 'El Magnifico' de Ed Harcourt en écoute aujourd'hui. Broken Keys, en duo avec Greg Dulli de The Afghan Whigs (en écoute également dans les playlists Spotify, Deezer, YouTube et dans la colonne de gauche du blog). Puis le morceau d'ouverture 1917. Et enfin le beau et léger My Heart Can't Keep Up With My Mind :
Le clip de Into The Loving Arms Of Your Enemy, un des singles extraits de 'El Magnifico' d'Ed Harcourt :