lundi 31 mars 2025

[Track of The Day] The Tubs - One More Day

Sur la pochette du deuxième album de The Tubs, on peut trouver une sorte d'oxymore photographique : à l'avant, une femme donne le sein à un bébé. Au second plan, une pierre tombale. Elle, c'est Charlotte Greig, artiste éclectique autant que journaliste musicale. Le bébé, c'est Owen Williams, ex-chanteur de Joanna Gruesome et désormais au micro de The Tubs, qui vient donc de publier le successeur du remarqué (et tout aussi remarquable) 'Dead Meat' en 2023, 'Cotton Crown'.

Un disque qui ne transpire pas de bonheur (et alors même que Charlotte Greig n'est que clairement évoqué sur Strange, la chanson de clôture), où il est question de relations amoureuses qui tournent à vide, de dénigrement de soi, d'interactions sociales compliquées, d'ennui et de lassitude à peine voilés. Pourtant, musicalement, si la mélancolie est bien présente, il y a dans cette jangle-pop énervée (aux accents parfois punk) et qu'on pourrait situer quelque-part au croisement des Smiths (cette guitare !) et de R.E.M., assez de peps et d'envie d'en découdre pour vouloir croquer la vie à pleine dent.

Court et fort de quelques singles à l'efficacité impeccable (l'évident Freak Mode mais surtout One More Day, en écoute aujourd'hui, chanson à l'intro, aux riffs et à l'urgence imparables), 'Cotton Crown' est donc un album curieux, qui joue de l'ombre et de la lumière à tous les niveaux ; et qui prouve (mais qui en doutait ?) que 'Dead Meat' n'était pas qu'un one-shot réussi. The Tubs devraient être dans les parages encore pour un moment.

Album : Cotton Crown
Année : 2025
Label : Trouble In Mind Records

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En plus des playlists Spotify, Deezer, Tidal et YouTube, One More Day de The Tubs est également en écoute ci-dessous :

Autre chanson très conseillée de 'Cotton Crown' de The Tubs, voilà l'évident single Freak Mode :

Le clip de Freak Mode de The Tubs :

jeudi 27 mars 2025

[Track of The Day] MJ Lenderman - Dancing in the Club (This Is Lorelei cover)

L'an passé, parmi les nombreux disques que j'aurais voulu évoquer se trouvait 'Box for Buddy, Box for Star' de This Is Lorelei, le moniker d'un certain Nate Amos, qui après dix ans à publier des disques - semble-t-il - sans queue ni tête et plein d'expérimentations diverses, s'était enfin résolu à sortir un vrai premier album.

La sortie d'une Deluxe Edition est une bonne occasion d'évoquer ce disque plein de bonnes (et même très bonnes) chansons mais dont l'unité suspecte (voire carrément absente, notre homme partant un peu dans tous les sens) gâchait un peu tout.

Plutôt que d'ajouter des face-B ou des morceaux écartés au dernier moment comme le veut la tradition de ces nouvelles éditions, This Is Lorelei a préféré demander à trois artistes de reprendre trois chansons de 'Box for Buddy, Box for Star'. Ainsi, à Bob and Sarah Amos la chanson d'ouverture Angel's Eye, à Snail Mail Two Legs, et à MJ Lenderman la  reprise de Dancing in the Club, sans doute le tube du disque (en écoute aujourd'hui).

L'américain, auteur l'an passé d'un bon album mais surtout d'une chanson immense, She's Leaving You (une de mes préférées de 2024) s'y colle en ralentissant le tempo de la version originale, en évacuant toute sa vibe synth-pop, en ne cachant pas sa voix derrière des effets et en faisant ce qu'il fait de mieux : chanter la mélancolie sur de belles guitares et une ambiance toute nineties et qu'il a fait sienne. Une reprise absolument superbe et un très beau contrepoint à la très belle version initiale de This Is Lorelei.

Album : Box for Buddy, Box for Star (Deluxe Edition)
Année : 2025
Label : Double Double Whammy

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En plus des playlists Spotify, Deezer, Tidal et YouTube, Dancing in the Club de This is Lorelei repris par MJ Lenderman est également en écoute ci-dessous :

Autant faire les choses bien en écoutant la version originale de Dancing in the Club par This is Lorelei donc :

mardi 25 mars 2025

Willow Avalon - Southern Belle Raisin' Hell [Assemble Sound / Atlantic]

Jordi Cruyff fut footballeur professionnel comme son père et joua lui aussi au FC Barcelone. Bronny James est aujourd’hui un joueur des Los Angeles Lakers, comme sa légende de père. Sean et Julian Lennon, Jakob Dylan ont tous suivi les voies tracées par leurs pères. Tous ont - ou font - carrière, sans grand succès, en n’ayant pas le dixième du talent de leurs paternels et en n’arrivant jamais à se départir de leurs écrasantes auras.

Il n’est pas dit que l’histoire se répète pour Willow Avalon, fille de, comme son nom ne l’indique pas, Jim White, musicien américain à ne pas confondre avec son homonyme australien, artiste si ce n'est révéré dans ces pages, tout au moins largement estimé, tant il a joué dans des groupes (Dirty Three, Boxhead Ensemble ou plus récemment The Hard Quartet) ou travaillé avec des artistes (Nina Nastasia, Tanakh, Mark Kozelek, Jess Ribeiro, Phosphorescent, pour n’en citer que très peu) qui ont marqué l’auteur de ces lignes.

Fille d’un musicien indépendant, loin des spotlights et d’un succès colossal, on pourrait croire que la vie de Willow Avalon fut celle d’une enfant de la balle. Il n’en est rien. Comme le raconte très bien "How Jim White Helped His Bluebird Spread Her Wings", un long et excellent article de Max Blau du Sunday Long Read en juin 2020 (donc bien avant que notre héroïne du jour se lance dans le grand cirque musical), la vie de Willow Avalon n’a pas été simple et de tout repos. Une enfance compliquée suite au divorce de ses parents alors qu’elle était très jeune, une famille qui se déchire notamment autour de sa garde, un père au départ absent mais qui fait tout pour être le plus présent possible (sur son album de 2004 'Drill a Hole in That Substrate and Tell Me What You See', Jim White lui chantait tout l’amour qu’il lui portait sur le très beau Bluebird (son surnom) : « And I pulled you close and held you in my arms / Yes, salvation wears a thin disguise 'cause I can see the heaven in your eyes / And I thank God them years I searched were not in vain / Finally found someone to love more than the rain / Bluebird I love you more than the rain »), une adolescence compliquée faite de rebellions, d’incompréhension, de déménagements réguliers et soudains, d’indépendance sans doute prématurée et de choix de vie tendancieux pour subvenir à ses besoins (elle a loué ses services auprès d’hommes généreux pour qu’ils profitent de sa compagnie, sans pour autant, c’est à noter, que cela n’implique de relations sexuelles tarifées).

A l’âge adulte, Willow Avalon a trouvé l’apaisement. Elle a fini par faire la paix avec son père (de son côté, son père a fait la paix avec lui-même) et a pu se lancer dans la musique, chose qui l’a évidemment accompagnée toute sa vie et pour laquelle elle a quelques prédispositions. Quelques singles pour débuter, une signature (excusez du peu) chez Atlantic Records pour un premier Ep 'Stranger' en février de l’année dernière, puis quelques nouveaux singles marquants (Homewrecker, Tequila or Whiskey, Country Never Leaves) qui l’ont mis sur la carte de la country-pop américaine, genre en plein effervescence aux États-Unis, et enfin un premier album début janvier 2025, dont le titre 'Southern Belle Raisin' Hell' semble faire écho à son premier quart de siècle.

Porté par une belle pochette, bien plus naturelle, réelle et moins lisse que celles de ses singles précédents où elle apparaissait comme une poupée fabriquée par une IA lambda, 'Southern Belle Raisin' Hell' s’ouvre par Something We Regret et ces quelques vers : « I love you like sugar, you love me like sex, put us both together, we'll do something we regret ». Des mots et une mélodie endiablée qui posent le décor et résument à eux seuls la teneur de ce premier album : un disque de country, souvent pop, parfois folk, aux relents rock (la chanson titre Southern Belle Raisin' Hell) et mélancoliques, qui ne manque ni de grandes mélodies (les trois singles cités plus haut mais aussi le simple et touchant Want Me Now, The Actor et ses belles guitares et surtout Blue Bird, sans doute la meilleure chanson du disque, à l’amorce d’un classicisme banal mais que la mélodie, imparable et immédiate transcende) ni de textes malins, où Willow Avalon parle d'amour, de ruptures et d'abandon, d'alcool, de conneries de jeunesse, et chante d'une voix belle, lumineuse et un rien kinky.

En 2017, Jim White avait terminé son album 'Waffles, Triangles & Jesus' en enregistrant Sweet Bird Of Mystery, une chanson qu’il avait écrite pour sa fille vingt ans auparavant. Sur l’enregistrement, on peut entendre une très jeune Willow Avalon chanter quelques mots. Sur 'Southern Belle Raisin' Hell', cette dernière n'a pas l'air d'avoir fait appel à son père. Sans doute pour mieux s’émanciper de sa tutelle musicale, sans doute surtout pour garder cette indépendance qu’elle semble avoir chevillée au corps. Mais ce n'est que partie remise, tant il est évident que père et fille chanteront un jour ensemble, leurs univers musicaux et leur histoire personnelle faisant que. Et contrairement à beaucoup d'autres enfants d'artistes, ce jour là, il y a fort à parier que la star se sera la fille, Willow Avalon, dont le succès futur ne fait pas vraiment de doute à l'écoute de ce très réussi 'Southern Belle Raisin' Hell'. (Sortie : 17 janvier 2025)

Plus :
'Southern Belle Raisin' Hell' de Willow Avalon est en écoute un peu de partout ici
'Southern Belle Raisin' Hell' de Willow Avalon est à l'achat en vinyle ici
L'article "How Jim White Helped His Bluebird Spread Her Wings" de Max Blau publié sur Sunday Long Read en juin 2020, passionnant de bout en bout, est à lire ici.

Trois chansons de 'Southern Belle Raisin' Hell' de Willow Avalon en écoute aujourd'hui. Baby Blue pour débuter et sa ritournelle qui reste en tête (en écoute également dans les playlists Spotify, Deezer, Tidal, YouTube et dans la colonne de gauche du blog). Puis Something We Regret et son « I love you like sugar, you love me like sex, put us both together, we'll do something we regret ». Et enfin The Actor et ses belles guitares :



Le clip de Baby Blue, dernier single extrait de 'Southern Belle Raisin' Hell' de Willow Avalon :

jeudi 20 mars 2025

[Track of The Day] Oracle Sisters - Riverside

Contrairement au "Paris - France" que l'on peut lire dans la courte biographie de leur page bandcamp, les Oracle Sisters ne sont pas français. Établi à Paris, le trio est en effet composé d'un nord-irlandais (Chris Willatt), d'un danois (Lewis Lazar) et d'une finlandaise (Julia Johansen).

De ça on aurait pu se douter à l'écoute de leur second album, 'Divinations', sorti il y a quelques semaines déjà. Et ce sans aller bien loin dans cet album très (trop ?) bien produit, sans doute un peu trop sage mais d'une langueur et d'une douceur plutôt enveloppante et charmeuse : il suffit d'écouter la belle chanson d'ouverture Riverside (en écoute aujourd'hui), ronde  comme une balle, ouatée au possible, du genre à donner envie de se lover dans un nuage, de fermer les yeux et de se laisser porter par la mélodie soyeuse et ce petit gimmick répétitif qui semble venue des profondeurs des océans.

Album : Divinations
Année : 2025
Label : Wizard Artists

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En écoute dans les playlists Spotify, Deezer, Tidal, YouTube et dans la colonne de gauche du blog

En plus des playlists Spotify, Deezer, Tidal et YouTube, Riverside d'Oracle Sisters est également en écoute ci-dessous :

Le clip de Riverside, chanson d'ouverture du second album de Oracle Sisters 'Divinations' :

lundi 17 mars 2025

Kwoon - Odyssey [-]

Projet du parisien Sandy Lavallart, actif depuis 2006 et la sortie de 'Tales and Dreams' (petit chef d’œuvre post-rock-ien et de pop atmosphérique, et pas que pour I Lived on the Moon), Kwoon n'a cessé depuis lors de composer, de se produire (même dans des endroits insolites comme des flancs de volcans, des phares ou en haut de l'aiguille du Triolet sur le Mont-Blanc), et voir sa musique dépasser les frontières (il suffit d'aller sous n'importe quelle de ses vidéos pour se rendre compte que le groupe compte des fans aussi bien en France qu'en Russie, en Turquie qu'en Israël, aux États-Unis qu'en Iran, etc), même s'il reste un projet encore, et de façon incompréhensible, confidentiel.

Pourtant, malgré près de vingt ans d'activité, 'Odyssey' n'est étonnamment que le troisième album de Kwoon, le premier depuis un sombre mais si beau 'When The Flowers Were Singing...' en 2009. Un disque prévu initialement pour le printemps 2024, dont quelques chansons ont été égrainées depuis quelques années déjà (Life a même été chroniqué dans ces pages en mai 2020) et qui vient finalement tout juste de sortir, toujours sans label. Et l'attente valait le coup. Car si l'on est en terrain connu, le résultat est aussi immédiat que saisissant. Ouvert par un Leviathan puissant et riffeur (qui a des airs de MONO), enchainé par un superbe King of sea, en duo avec la trop rare Babet de Dionysos (et au clip magnifique), 'Odyssey' va dérouler de longues mélopées mélancoliques entre post-rock et pop rêveuse (si propres et si chères à Sandy Lavallart) voire ambiant (superbe Blackstar), toujours élégamment vêtues, avec comme matrice principale la mélancolie qui infuse tout du long. 

A l'instar de ses prédécesseurs, 'Odyssey' est un album magnifique, particulièrement cinématographique, parfois insaisissable, toujours délicat, où l'émotion est toujours à fleur de peau et qui sonne comme un voyage onirique, tout en apesanteur. Voyage dont le point d'orgue serait sans nul doute Jayne, chanson sublime à l'explosion finale et aux cordes tendues à se damner, qui résume à elle seule la musique et la carrière de Kwoon, groupe dont j'avais presque oublié la beauté et la flamboyance. (Sortie : 21 février 2025)

Plus :
'Odyssey' de Kwoon est en écoute sur sa page bandcamp
'Odyssey' de Kwoon est à l'achat sur sa page bandcamp
'Odyssey' de Kwoon est également, et notamment, en écoute sur Spotify, Deezer et Tidal


Trois chansons de 'Odyssey' de Kwoon en écoute. A tout seigneur tout honneur, commençons par l'éblouissant Jayne
(en écoute également dans les playlists Spotify, Deezer, Tidal, YouTube et dans la colonne de gauche du blog). Enchaînons avec King of sea, en duo avec Babet. Et terminons par Wolves :


Depuis I Lived On The Moon, on sait que Kwoon réalise toujours de très beaux clips. Ceux de 'Odyssey' ne dérogent pas à la règle, que ce soit celui de Jayne et surtout celui de King of sea :