Rythmique martiale. Cuivres puissants et profonds sans être pompeux. Des chœurs en fond qui semblent invoquer le ciel. Trombones qui viennent les aider dans leur quête d’absolu. Quarante-sept secondes viennent de s’écouler, il reste près de 5 mns à cette chanson d’ouverture pour dérouler sa classe et Little Simz a déjà envouté son monde. Le tout sans chanter. Sans poser le moindre vers. Sans envoyer le premier flow.
Le morceau s’appelle Introvert. Il lance le quatrième album de la londonienne, 'Sometimes I Might Be Introvert', qui vient de sortir. Il est fou. Imposant. Le genre de titre qui ouvre tous les horizons et sanctuarise l’écoute des 59 mns restantes. Car à cette introduction massive, l’anglaise dégaine quelques notes souples et légères de guitares qu’elle ajoute à l’ensemble déjà en place avant de commencer à rapper. A la fin de la chanson, Little Simz a déjà gagné.
Pour ainsi dire, beaucoup à sa place se seraient arrêtés là, se seraient contentés de ce titre qui assomme tout pour ne combler le reste de 'Sometimes I Might Be Introvert' qu’avec des morceaux de remplissage. Sauf que Little Simz n’est pas du genre à galvauder une chanson aussi puissante, aussi bien écrite, aussi personnelle (« I dedicate my life and gave my heart over twenty-something years, left wondering how I even feel, but was it even worth it? ») et dans le même temps aussi universelle (« I’m a black woman and I'm a proud one »).
Alors, pendant l'heure suivante, elle va rester au niveau. Et balader ses chansons et ses textes (autant politiques que personnels donc) et ses humeurs entre hip-hop et jazz, soul et neo-soul, r’n’b et pop, rap et afrobeat. Pour mieux appuyer ses propos, Little Simz va même convoquer beaucoup de fantômes, qu'elle s’approprie pour le meilleur. Un peu de Minnie Riperton par-ci, du Lauryn Hill par là, quelques effluves de Stevie Wonder et de la soul des 70s (le seul sample revendiqué de l’album, sur Two Worlds Apart, est d’ailleurs un titre de 1975, The Agony and The Ecstasy de Smokey Robinson), ou encore de Ms. Dynamite, autre géniale anglaise, auteur d’un coup de force en 2002, dont elle ne se remettra jamais vraiment.
C'est peut-être ce qui est le plus fort chez Little Simz sur 'Sometimes I Might Be Introvert' : avoir réussi à dépasser une chanson aussi puissante qu'Introvert. D'avoir su s'en départir pour mieux s'en servir comme rampe de lancement et ne pas plier sous son poids. Car avec ses orchestrations chiadées et ambitieuses, plutôt cinématographiques d'ailleurs et aux atours de comédie musicale ; avec ses interludes bienvenus et qui ne sont pas là par hasard tant ils sont un vrai socle à l'ensemble ; avec ce flow sûr et qui tape juste et fort ; sa pochette magnifique qu’on dirait inspirée par Grace Jones ; Little Simz frappe fort et juste avec 'Sometimes I Might Be Introvert', disque dingue, cohérent et dont les 19 titres transpirent d'une classe folle. (sortie : 3 septembre 2021)
Plus :
'Sometimes I Might Be Introvert' de Little Simz est à l'achat sur son site officiel
'Sometimes I Might Be Introvert' de Little Simz est, notamment, à l'écoute sur Spotify et Deezer
Trois chansons de 'Sometimes I Might Be Introvert' de Little Simz en écoute aujourd'hui. A tout seigneur tout honneur, débutons donc par l'immense Introvert, qui ouvre l'album (en écoute également dans les playlists Spotify, Deezer et Youtube). Puis I Love You, I Hate You, sublime chanson où Little Simz évoque ses relations avec son paternel. Et enfin How Did You Get Here, tout aussi magnifique :
Trois clips tirés de 'Sometimes I Might Be Introvert' de Little Simz : Introvert, aussi puissant que la chanson, Woman (feat. Cleo Sol) et Point And Kill (feat. Obongjayar) :
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