Combien de fois par jour nous plaignons nous de ne pas avoir de chance, de ne pas être verni ? Vous savez, ces matins avec ce camion poubelle devant vous qui s'arrête tous les
dix mètres alors que vous êtes déjà en retard ; ces feux rouges qui
se multiplient alors que vous devriez être au boulot depuis vingt
minutes ; ce chauffage qui tombe en panne en plein hiver avant que votre lave-linge lâche à son tour le lendemain ; ce foutu tirage de l'EuroMillions qui vous donne les quatre premiers numéros mais pas le cinquième ni les deux étoiles et vous fait gagner 14,5 € au lieu des 127 millions mis en jeu. Bref, ce genre de foutaises où l'on pense que l'on est maudit sans trop réellement savoir pourquoi.
Pourtant, à bien y réfléchir, ne sommes nous pas de sacrés veinards d'être encore là trente, quarante ou soixante ans plus tard ? En ce qui me concerne, j'ai plutôt tendance à le penser. Parce que oui, après réflexion, je peux sans hésitation dire que pendant les quarante-deux années de ma vie, j'ai été chanceux à bien des égards.
Chanceux à 5 ans lorsqu'un soir, alors que je prenais un bain avec ma petite sœur de trois ans ma cadette et que, les pieds
dans l'eau, j'étais en train de lui sécher les cheveux au sèche-cheveux, mon père était rentré dans la pièce et sans crier ni paniquer devant pourtant la scène d'électrocution qui nous attendait, avait débranché la prise à la vitesse de l'éclair, avant de m'engueuler et de nous prendre dans ses bras.
Chanceux à 14 ans d'avoir eu ma petite sœur à mes côtés pour me raisonner alors que dans un élan dépressif aigu et fatigué des moqueries continuelles sur ma taille et mon corps qui tardait à entrer dans l'adolescence, j'étais monté sur le rebord de la fenêtre de ma chambre située au deuxième étage de l'immeuble où nous habitions, prêt à faire une connerie.
Chanceux à 30 ans, un soir de début d'été, d'avoir escaladé des rochers abruptes au petit matin d'une soirée bien trop longue et alcoolisée, pour rejoindre un promontoire situé à huit mètres de haut, pour sauter dans une rivière, remonter à la surface, recommencer une seconde fois, comme pour mieux tirer le diable par la queue, et de m'en sortir indemne.
Chanceux encore de toutes ces soirées trop
arrosées où, inconscient comme jamais, je suis rentré au volant sur plusieurs kilomètres sans tuer
ni moi ni une autre personne,
Des exemples comme ceux-ci, j'en ai cent, j'en ai mille, j'en ai dix-mille - et vous aussi sans doute. Ces moments, aussi anecdotiques que marquants, où le destin s'est suspendu un instant et a décidé de me laisser une énième chance de m'en sortir en se disant sans doute que j'allais bien finir d'arrêter de jouer au con.
C'est tout ceci qui est au programme de De Justesse, le nouveau single de Florent Marchet, artiste aimé de ces pages depuis la sortie de 'Rio Baril', chef d'œuvre absolu de pop à la française et jamais égalé depuis sa sortie en 2007. Un Florent Marchet discret - en solo - depuis huit ans déjà et 'Bambi Galaxy', et qui revient là avec un titre à la mélodie mélancolique et sublime, où il raconte des souvenirs qui parleront à tous (certains de ceux qu'il énumère nous les avons tous vécus, voir plus haut) où tout s'est joué à rien et où l'on s'en sort de justesse. Une chanson magnifique, chantée de cette voix qui n'a pas bougé et qui manquait, où l'insouciance de l'enfance se confronte à la peur irrépressible de parents jamais préparés au pire et qui espèrent que la vie ne sera pas trop dure avec leur progéniture en leur permettant à chaque fois de s'en sortir. Fut-ce de justesse.
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