Voix haut perchée, histoires d'amour qui se finissent mal ou bien, habillage classieux et ambiance ouatée : pour son premier album, Aaron Frazer aura tout fait pour suivre à la lettre le petit guide du disque soul-pop rétro. Et ce même jusqu'à la pochette, aux couleurs, à la typo et à la mise en page à la mode de.
Trop cliché ? Sans doute un peu, mais au final, si les fans du genre trouveront sans doute cela trop facile, ce 'Introducing...' mérite l'écoute. Bien aidé par une sacrée production de Dan Auerbach des Black Keys (jamais bien loin quand il s'agit d'albums puisant dans les racines de la musique américaine), il est difficile de ne pas tomber, ne serait-ce qu’occasionnellement, sous le charme du disque. Avec en tête d'affiche Over You, petit tube de moins de 3 mns, à l'énergie contagieuse.
Album : Introducing... Année : 2021 Label : Easy Eye Sound / Dead Oceans
Alors celle là, je ne l'avais pas vu venir : Thee More Shallows est de retour. Quatorze ans après son dernier album. Nous étions alors en 2007, j'étais au chômage, tentant vainement de trouver un boulot dans l'industrie musicale, avant de me dire que l'horizon était trop bouché et qu'il valait mieux suivre une voix différente et garder la musique comme plaisir et loisir en lançant tiens, pourquoi pas, ça serait une idée, un blog.
Quatorze ans. Des souvenirs à n'en plus finir : des soirées qui s'éternisent jusqu'au petit matin, des projets plein la tête, des joies et pas mal de déboires, mais des espoirs aussi et l'avenir encore devant soi. Et donc dans les oreilles, 'Book Of Bad Breaks', ultime livraison des brillants Thee More Shallows, pour les - alors - précieux Anticon.
Quatorze ans et donc un retour. En tout cas d'une partie du groupe. Car c'est le chanteur Dee Kessler qui est, seul, aux manettes de ce nouvel album - si ses anciens acolytes ont tous donné leur accord, seul Jason Gonzales, à la batterie, est présent. Un disque qui s'appellera 'Dad Jams', tournera (forcément, après 14
ans) autour de la parentalité et sortira le 28 mai prochain chez Monotreme Records. Ancient
Baby en est le premier extrait. Une chanson d'indie-pop, moins bricolée
et lo-fi que par le passé, mais d'une justesse et d'une efficacité pop
dingue, avec une flûte traversière en meneuse de mélodie. Ne reste plus qu'à espérer que cette semaine soit dans la lignée de cette nouvelle et de cette chanson.
Album : Dad Jams Année : 2021 Label : Monotreme Records
Je suis un très mauvais pronostiqueur. J'ai beau aimer le sport en général et le football en particulier, le suivre assidûment, connaître les équipes, les états de forme des joueurs, les choix des entraineurs, rien n'y fait : je suis incapable de faire les bons choix lorsqu'il s'agit de donner le vainqueur d'un match. Je n'en prends pas du tout ombrage à dire vrai, je m'en amuse plutôt et même me félicite de n'avoir ainsi jamais été tenté par les sites de paris en ligne (pour mieux dépenser mon argent dans de la bière et des disques, mais ceci est une autre histoire).
Toutefois, malgré cette incapacité chronique à deviner le futur, j'ose un pronostique : on devrait entendre parler du trio dont il est question aujourd'hui. Il s'appelle Pale Blue Eyes, tire sans doute son nom de la chanson du Velvet Underground, et vient de Totnes en Angleterre, petite bourgade de même pas 10 000 âmes dans le Devon, dont les deux faits d'armes sont d'être connue pour ses marchés et d'être la ville d'origine de Metronomy.
Un groupe qui fait ses débuts discographiques, mais qui semble en avoir plus que sous la pédale (avoir un home studio aide beaucoup) vu qu'ils aurait déjà en boîte un premier album - qu'ils auraient pu sortir l'an passé si... vous voyez bien. Mais finalement, les Pale Blue Eyes ont suivi l'ordre des choses en dévoilant un premier 45-tours, qui dit déjà beaucoup de choses sur leur talent. Il y a cette envie de dream-pop aux guitares shoegaze qu'ils distillent sur Chelsea, face-B aux allures de face-A. Mais il y a surtout Motionless, single qui vous chope l'oreille sans vous demander l'autorisation. Un titre catchy au possible, indie-pop aérienne aux touches synthétiques et qui ne cesse de monter en puissance pour mieux éclater sur un refrain qu'on dirait robotique. Une première sortie tout à fait épatante et qui promet beaucoup. Alors, quitte à leur porter la poisse, je le répète : ces jeunes gens deviendront grands.
NB : Pour en savoir plus sur Pale Blue Eyes, la lecture de cet article de The Quietus est fortement conseillée
Album : Motionless / Chelsea 7" Année : 2021 Label : -
Entamons la dernière ligne droite de cette semaine de travail par une chanson qui fait mouche dès son intro : Big Mess de Flyying Colours, groupe aux deux « y » ou aux cinq « i », qui aime regarder ses chaussures et envoyer de la disto dans tous les sens.
Venu de Melbourne en Australie, le quatuor a judicieusement placé ce titre en entrée de 'Fantasy Country', leur second album - juste après un Goodtimes qui installe bien l'ambiance et donne la tonalité. Mais Big Mess fait vraiment rentrer de plain pied dans le disque : des riffs d'une efficacité immédiate et prenante, un chant à deux voix dans une production toute évanescente, des relances continuelles et une mélodie accrocheuses. Shoegaze à mort donc et apogée d'un album court, qui ne ment pas sur la marchandise (de sa pochette à ses chansons) et réussi.
Album : Fantasy Country Année : 2021 Label : Club AC30
A regarder le clip d'After You, il y a fort à parier qu'une bonne partie de l'inspiration des américains de The Martha's Vineyard Ferries soit venue du compte Twitter @communistbops (désormais disparu) qui s'amusait, avec brio, à mettre en scène des séquences de vieux films du chœur de l'Armée Rouge sur
des tubes pop actuels (de Toxic de Britney Spears à Take On Me de A-Ha).
La différence ici c'est que plutôt qu'aller puiser dans les archives d'Union Soviétique, le trio (composé, excusez du peu, de Elisha Wiesner, Bob Weston et Chris Brokaw) est allé chercher des images du côté de la Chine communiste et plus précisément d'un drame de 1961, "The Red Detachment of Women".
Et le résultat est excellent, très bien monté en rythme avec la chanson. Une chanson des plus efficaces d'ailleurs, et l'évident tube de 'Suns Out Guns Out', solide album d'indie-rock, lourd et pesant, à la production étouffée. Un disque qu'on dira à l'ancienne, de la guitare au mix, de la batterie au chant, en passant par la basse. « I could write a song... »
Album : Suns Out Guns Out Année : 2021 Label : Ernest Jenning Record Co.
Amateur de lo-fi, de voix crachées et de guitares fuzz, Petite League est un groupe pour vous. L'américain Lorenzo Gillis Cook est aux manettes de ce projet qu'il conduit accompagné de Henry Schoonmaker à la batterie. 'Joyrider' est leur quatrième album, sorti uniquement en digital et en cassette.
Un disque de moins de 30 mns, entre rock garage et balades de bon aloi, et qui, comme on dit, passe tout seul. Notamment grâce à Moon Dogs, sa chanson d'ouverture, à son riff efficace et l'envie qu'il donne d'en savoir plus.
Album : Joyrider Année : 2021 Label : Zap World Records
Leur premier album '3D Routine' avait une des belles découvertes de l'an passé. Sans la pandémie, nul doute d'ailleurs qu'il aurait même connu un meilleur sort, la tournée aidant. Pourtant, bien loin de laisser abattre, les Mush ne s'en étaient pas laissés compter, sortant dans la foulée deux Ep avant de commencer à enregistrer la suite. Tout était au vert donc pour que leur deuxième album, 'Lines Redacted' finisse le travail commencé un an plus tôt tout pile.
S'il semble que celui-ci fait plutôt consensus un peu partout, j'avoue ne pas y trouver mon compte. Le disque oublie, c'est dommage, trop souvent les chansons et les mélodies. Et si le post-punk et ce chant presque loufoque (véritable signature) sont toujours bien présents, l'ensemble tourne pas mal à vide.
Toutefois, on trouve à la toute fin de 'Lines Redacted' B2BCDA (pour « Back to back consecutive dark age»), chanson à l'efficacité folle, qui voit Mush connaitre un retour de flamme saisissant, où guitare et basse s'en donnent à cœur joie sur la descente de manche, notamment sur le refrain. Comme quoi, il faut toujours écouter les disques en entier même lorsqu'ils nous ennuient.
Il y a peu de choses dans lesquelles croire ces derniers temps. Parmi celles-ci, il y a Nice Swan Records, jeune label anglais particulièrement intéressant (Hotel Lux ou Courting, ce sont eux) et auquel on peut toujours faire confiance. La preuve avec un de leurs derniers poulains, Sprints, un quatuor irlandais originaire de Dublin qui s'apprête à publier son premier Ep, 'Manifesto', après quelques singles pas piqués des hannetons.
(Très bien) produit par Daniel Fox, le bassiste des furieux Girl Band, le disque comptera quatre chansons, dont Swimming, dernier extrait en date, punk en diable et à l'urgence revigorante. Et si l'on ajoute les deux autres morceaux déjà disponibles, on tient déjà un des Ep de l'année.
Album : Manifesto Ep Année : 2021 Label : Nice Swan Records
Malgré le chant parfait en anglais et leur nom, ne vous y trompez pas : Not Wonk n'a rien d'anglo-saxon mais nous vient de Tomakomai au Japon. 'Dimen' est leur quatrième album et le premier à arriver dans les oreilles de votre serviteur.
Un disque bizarrement construit qui tâte autant de la pop de l'art-rock ; ou l'indie pur jus comme avec Get Off The Car (en écoute aujourd'hui) morceau pied au plancher de moins de 3mns et qui ne fait pas de détails. Peut-être pas le plus représentatif de l'album, mais sans aucun doute le plus efficace.
Un disque qui, malgré son manque d'homogénéité et son besoin de partir dans tous les sens, symbolisé notamment par Dimensions, chanson à tiroirs qui passe par tous les états, se révèle très attachant, notamment dans sa seconde partie.
L’an passé, alors que nous entamions une année d’enfermement, une chanson avait réussi à sauver mon premier confinement : Cars In Space des Rolling Blackouts Coastal Fever. Un morceau avec des guitares qui se battaient en duel pour un résultat des plus entrainants et euphoriques (et accessoirement, la chanson de mon année 2020).
Un an plus tard, c’est un titre du même acabit qui m’explose en pleine figure : I Can’t Live On Love de Rat Columns (un groupe découvert via un 45-tours publié pour les trente ans de Slumberland Records en 2018), qu’on trouve sur le quatrième album des australiens, 'Pacific Kiss', disque particulièrement réussi et que les écoutes successives bonifient à chaque fois.
I Can’t Live On Love a vraiment des airs de petite sœur de Cars In Space : une chanson en fausse piste avec une introduction ultra-nerveuse que le groupe suspend un temps, histoire de dérouler un couplet beaucoup plus indie-pop, avant de lâcher les chevaux sur le pont et le refrain et asséner quelques riffs nerveux et savoureux qui n’en finissent plus de se répondre et de relancer la machine.
Album : Pacific Kiss Année : 2021 Label : Tough Love
Souvent critiquée par des gens qui ont oublié qu'un jour ils ont été à sa place et qu'ils auraient eu le même comportement en leur temps, la jeunesse en aura pris plein la tête ces derniers mois. « Égoïste », « pourrie gâtée » ou encore « inconsciente », elle aura même eu droit à ce fameux argument rance qui revient régulièrement : « il y a 100 ans, les jeunes de France mourraient dans les tranchées. La jeunesse d'aujourd'hui devrait s'estimer heureuse ». Carrément.
Quand bien même, si la crise actuelle est difficile pour tout le monde, elle l'est sans doute un peu plus encore pour les 18/25 ans, eux qui sont à la croisée des chemins, entre rêves, aspirations à devenir quelqu'un, découverte de la vie et de la liberté.
La jeune américaine Wallice synthétise bien ce saut dans le grand bain avec son nouveau single 23. Une chanson qui hésite entre l'envie de vieillir (« And I just can't wait to be all grown up and 23 »), la peur d'avoir déjà raté sa vie (« Expiring at my momma's house, really thought that I'd be out by now. I'm terrified of the future, scared that I’ll still be a loser »), ces rêves bêtas que la société nous impose (« Maybe I'll get married soon and buy a house with three bedrooms ») et la conscience que le meilleur est à venir (« Not sure why I feel so dumb, the best of my years are yet to come »). Le tout sur fond de bedroom pop très efficace, accrocheuse dès la première écoute, faisant de 23 une chanson qui ne demande qu'à devenir un tube.
Chaque année, il y a les groupes qu'on découvre, les premiers albums
qu'on espère au niveau de singles prometteurs, et les disques qu'on
piaffe d'impatience d'écouter. 'Uncommon Weather' de The Reds, Pinks
& Purples fait partie de la troisième catégorie.
Formidable découverte dans une année 2020 qui n'en manquait pourtant pas, le premier album de ce récent projet de Glenn Donaldson fait partie de ces disques dont on sait qu'ils vont nous accompagner un long moment. Mais plutôt que faire patienter leur monde et laisser l'auditeur user 'You Might Be Happy'jusqu'à la corde, les californiens ont préféré remettre l'ouvrage sur le métier pour proposer un deuxième album, à peine six mois après le premier.
Porté par une pochette aux couleurs pastel aussi belles que son prédécesseur, 'Uncommon Weather' promet beaucoup. A en croire les deux premiers extraits, il devrait voir The Reds, Pinks & Purples continuer à creuser le même sillon musical et proposer des chansons mélancoliques à souhait, habillées de guitares jangle-pop aussi lumineuses que déprimées. Réponse le 9 avril.
Album : Uncommon Weather Année : 2021 Label : Tough Love / Slumberland Records
En écoute dans les playlists Spotify, Deezer,YouTube et dans la colonne de gauche du blog
En plus des playlists Spotify, Deezer et YouTube, The Record Player and the Damage Done on My Street de The Reds, Pinks & Purples est en écoute ci-dessous :
Autre single extrait de 'Uncommon Weather', voilà le clip de Don't Ever Pray in the Church on My Street de The Reds, Pinks & Purples :
Si à l'écoute de 'My Head Hz' de Naked Days vous entendez un peu de Car Seat Headrest, ne vous en étonnez pas : vous êtes dans le vrai. Car derrière cet album se trouve Degnan Smith, un ami de Will Toledo, qu'il a régulièrement accompagné sur ses si nombreux albums et notamment sur le toujours aussi fantastique 'Twin Fantasy'. Est-ce que cela suffit à en faire une influence si prégnante ? Non. Mais la réponse devient positive dès que l'on précise que Andrew Katz, Seth Dalby (respectivement à la batterie et à la basse chez Car Seat Headrest) et Amanda Schiano di Cola (au chant et à la trompette et qui a déjà joué sur les albums de... Car Seat Headrest), sont de la partie. Et carrément évidente quand on ajoute que Will Toledo, en plus de chanter et jouer sur le disque, en est le producteur.
Pourtant, ne résumons pas cet album de 'My Head Hz' à Car Seat Headrest. Beaucoup plus folk dans l'esprit (mais pas exempt d'envolées rock), Naked Days ne manque ni de talent pour composer des mélodies qui s’immiscent doucement mais surement dans l'oreille, ni de doigté pour faire progresser ses chansons. La preuve avec Old Woods, sans doute le sommet de ce très beau disque, qui commence comme une balade folk, avant que la mélancolie ne prenne un peu plus de coffre et l'instrumentation de l'ampleur. La production change alors de braquet, met en lumière tout ce beau monde et voit Degnan Smith remiser sa timidité et ses premiers couplets chantés comme avec effacement au placard pour mieux s'affirmer, et laisser la mélodie faire le reste. Superbe.
Album : My Head Hz Année : 2021 Label : 569826 Records DK
« Moi, si je devais résumer ma vie aujourd’hui avec vous, je dirais que c’est d’abord des rencontres. Des gens qui m’ont tendu la main, peut-être à un moment où je ne pouvais pas, où j’étais seul chez moi. Et c’est assez curieux de se dire que les hasards, les rencontres forgent une destinée... ». Hilarante, rentrée dans la culture et la mémoire française depuis, cette saillie improvisée d’Édouard Baer lors du tournage d''Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre' d’Alain Chabat irait comme un gant à Hard Drive, apogée splendide du très beau nouvel album de Cassandra Jenkins, 'An Overview on Phenomenal Nature'.
Une chanson qui témoigne de rencontres improbables (une gardienne de sécurité, son moniteur d’auto-école, un libraire ésotérique) que la new-yorkaise raconte en chantant peu et en parlant beaucoup, mais doucement et avec beaucoup de musicalité dans la voix, pendant que derrière œuvrent saxophone, batterie, guitare et piano, pour habiller avec délicatesse ses histoires.
Une chanson vraiment somptueuse, dont le titre Hard Drive peut autant signifier un disque dur qu’un chemin long et difficile. Un morceau plein d’espoir dans son quatrième couplet, qui rappelle que dans la vie, rien n’est jamais joué. Comme elle le chante elle-même : « So close your eyes, I'll count to three, take a deep breath, count with me ».
Album : An Overview on Phenomenal Nature Année : 2021 Label :Ba Da Bing!
Il a beau avoir une carrière longue comme le bras, Adrian Crowley donne toujours l'impression d'être une merveille irlandaise jalousement gardée. De celles dont on ne parle pas ou peu, pour ne pas éveiller la curiosité des autres et garder pour soit ses chansons, ses arrangements, ses mélodies. Le genre dont on se plait à dire que c'est le plus formidable artiste dont vous n'avez jamais entendu parler.
Le 30 avril prochain, Adrian Crowley sortira chez Chemikal Underground son nouvel album, 'The Watchful Eye Of The Stars'. Celui-ci arrivera-t-il à enfin faire éclater, si ce n'est à la face du monde entier au moins à celle de musique indé, le talent immense de l'Irlandais ? Difficile à dire quand tant de gens sont passés à côté d'albums comme 'Long Distance Swimmer' ou 'Some Blue Morning', qui méritaient pourtant des éloges en tous sens.
Mais restons confiant. Surtout que pour 'The Watchful Eye Of The Stars', Adrian Crowley a mis de son côté John Parish à la production, ainsi qu'une ouverture d'album de près de 7mns, Northbound Stowaway, très élégante chanson, cordée à souhait, chantée de cette voix de crooner qui s'ignore, où une voix féminine vient de temps à autre faire un délicieux contrepoint.
Bref, tout est jusque là au vert pour ce neuvième album. Un disque enregistré vite, en faisant très peu de prises, où le duo Crowley/Parish a préféré garder l'âme des compositions originales en retouchant très peu les démos. « I've heard this album and it is a beauty x » dit de lui James Yorkston. Vu que l'Écossais vient de sortir un des plus beaux albums de l’année, on peut être confiant.
Album : The Watchful Eye Of The Stars Année : 2021 Label : Chemikal Underground
« Merlynn Belle, was the music they wanted to be making all along but didn't know until it happened accidentally ». Voilà comment les Tele Novella décrivent leur nouvel album et expliquent, en creux, les raisons de leur disparition totale des radars - si ce n'est médiatiques, au moins indie.
Né à Lockhart au Texas, repositionné à Austin depuis, Tele Novella est en effet un groupe qui aime prendre son temps. Qui se cherche. Ou réléchissait tout simplement à son nouveau départ. Quatuor devenu duo (Natalie Ribbons au chant, Jason Chronis à la musique), il aura laissé s’écouler cinq longues années entre son premier album, 'House of Souls', et le deuxième, 'Merlynn Belle'. Mais qui pourra y trouver à redire ?
Pas grand monde sans doute à l’écoute de cette seconde fournée tardive. Car il s'agit là d'un sublime album pop et surtout un disque hors du temps. Du genre qui se balade au bras d’une country-folk de cent ans d’âge pour mieux la quitter et retrouver le sillon creusé par la pop de Stephin Merritt et de ses Magnetic Fields ; non sans avoir auparavant fait un crochet par les années 20, les plaines désertiques et les cabarets de l'époque du far-west, le salon d’un noble du XVIIè siècle amateur de musique de chambre ; ou plus simplement fricoté avec les fantômes de Lee Hazlewood et du Brian Wilson de 'Pet Sounds'.
Vous rêviez de synthétiseur ? Désolé mais Tele Novella les a bradés contre un harmonium. Vous vouliez du psyché ? Oubliez cette idée, prenez à bras le corps ces saynètes pop qui résonnent autant de guitare que d’autoharpe et de vibraphone, et plongez dans ces chansons d’un autre âge mais sacrément actuelles.
Car oui, si 'Merlynn Belle' est un disque que l’on pourrait qualifier de vintage, il n’est en rien daté. Porté par les mélodies soignées de Jason Chronis, et chanté divinement par Natalie Ribbons,
merveilleusement conteuse tout du long, pleine d’harmonies dans la voix, s'il puise certes son inspiration dans de nombreux passés, la production do it yourself, la qualité des arrangements, des textes et
de l’agencement de l’ensemble rendent 'Merlynn Belle' incroyablement moderne. Un disque magnifique de pop de la part de Tele Novella, pas vraiment d'aujourd'hui sans être totalement d'hier. Hors du temps en somme. (Sortie : 5 février 2021 )
Trois chansons de 'Merlynn Belle' de Tele Novella en écoute aujourd'hui.Le single évident Paper Crown (en écoute également dans les playlists Spotify, Deezer et Youtube), le délicat Desiree et It Won't Be Long, qui aurait été comme un gant à Stephin Merritt :
Plusieurs clips ont été réalisés pour ce 'Merlynn Belle' de Tele Novella. En voici trois : Technicolor Town, Paper Crown, Words That Stay :
Annoncé sous les meilleurs auspices à la fin de l’année dernière par un Struggle qui immédiatement faisait mouche avec sa mélodie simple et la délicatesse de tout ce qui l’entourait, 'The Wide, Wide River' est bien plus qu’un simple nouvel album de James Yorkston. Car pour fêter ses 20 ans de carrière, l’écossais diablement aimé dans ces pages, dont la carrière n’est jalonnée que de finesse, de chansons belles à pleurer et de folk lumineux, n’a pas fait dans la demi-mesure. Oui, après tant d’années, James Yorkston arrive encore à surprendre. Certes, il y a déjà le trio qu’il forme depuis quelques années avec le contrebassiste anglais de jazz Jon Thorne et l’indien Suhail Yusuf Khan sous le nom Yorkston/Thorne/Khan, déroutant de prime abord mais plus que délectable. Mais il y a surtout ce nouvel album 'The Wide, Wide River'.
Un disque qui semble être arrivé par accident ou par magie. Une sorte de miracle inattendu, tant il aurait pu n’être qu’un album folk de plus, où les mélodies de James Yorkston auraient sans nul doute fait mouche, mais où l’ensemble n’aurait pas renversé la table. Alors qu’au final, il est bien plus que cela.
'The Wide, Wide River' est un disque enregistré en Suède avec The Second Hand Orchestra grande confrérie musicale suédoise menée par Karl-Jonas Winqvist et au sein de laquelle on retrouve Peter Morén de Peter Bjorn and John (le tube Young Folks et son sifflement qui a du être utilisé par toutes les émissions de TV du monde, ce sont eux). Un album qui semble avoir été enregistré au débotté, sans idée préconçue : James Yorkston a écrit les chansons, les a joué devant la troupe de The Second Hand Orchestra avant que la joyeuse bande enregistre, live, et mixe le tout en trois jours seulement.
Et c’est là la force de 'The Wide, Wide River'. Un disque qui n’est pas cloisonné, pas contraint une seconde. Une ligne directrice est donnée au départ, libre ensuite aux musiciens d’en faire ce qu’ils en veulent et d'improviser. Et que ce soit James Yorkston ou The Second Hand Orchestra, tous apportent leur écot à l’œuvre : en faisant débouler, sans que cela soit écrit, quelques accords de guitare folk, quelques notes de violons, quelques ligne de basse, qui tous, plutôt que de désaxer l’ensemble de la chanson, lui donnent une âme supplémentaire.
Prenez Struggle dont il était question plus haut. Cette chanson est autant la synthèse de tout ce que l'on aime chez James Yorkston qu’un excellent résumé de 'The Wide, Wide River'. Une mélodie simple mais tellement bien entourée qu'elle en ressort belle comme jamais. Malgré les nombreux instrument qui viennent donner du leur, il n’y aucun sentiment de surenchère. Non, ce qui vient l’animer et l’habiller est si délicat que tout sonne comme une évidence : cette batterie feutrée, ces notes de violons qui s'occupent de maintenir le rythme tout du long sans être une seconde larmoyantes, ces guitares et cette basse qui ne font jamais dans l’esbroufe ; et ces chœurs, tout en apesanteur et élégance, qui ne viennent qu’appuyer la douceur de la voix de l’écossais.
On pourrait dire la même chose de l'énergique Ella Mary Leather (qui ouvre 'The Wide, Wide River'). du touchant et pénétrant, aux airs de vielle chanson du folklore écossais, A Very Old-Fashioned Blues, ou du diablement efficace There Is No Upside qui voit la bande lâcher les chevaux dans une euphorie folk jubilatoire. Mais on pourrait dire cela de tous les morceaux de l’album. Des chansons que James Yorkston et The Second Hand Orchestra ne semblent pas vouloir quitter tant ils préfèrent continuer à en développer les mélodies, à les agrémenter d’accords inattendus pour mieux les relancer.
'The Wide, Wide River' est un disque absolument majestueux. Du genre de ceux qui respirent le talent, évidemment, le plaisir aussi. Et surtout la liberté. Un album qui fait beaucoup penser à la « Rolling Thunder Revue » en 1975 de Bob Dylan, où le troubadour écumait les routes et les salles nord-américaines pour mieux présenter ses chansons et bien d’autres choses au gré de ses envies et de la multitude d’amis et personnages qui voulaient bien se joindre à lui (de Joan Baez à Mick Ronson, Allen Ginsberg, Roberta Flack, Roger McGuinn ou encore Joni Mitchell). Il régnait sur cette tournée (les live de l’époque sont là pour le prouver) une ambiance folle mais simple, où rien n’était surjoué, où chaque performance se fondait dans les autres et surtout apportait à l’ensemble.
'The Wide, Wide River' est de la même lignée. Un album incroyablement généreux et vivant, plein de superbes chansons que The Second Hand Orchestra habille avec un doigté rare. Mais finalement, c'est James Yorkston qui décrit le mieux ce disque, en quelques simples mots : « this fast-footed, free-wheeling album ». En (belle) roue libre. Cela lui va très bien. (Sortie : 22 janvier 2021)
Plus : 'The Wide, Wide River' de James Yorkston and The Second Hand Orchestra est en écoute sur leur bandcamp 'The Wide, Wide River' de James Yorkston and The Second Hand Orchestra est à l'achat sur leur bandcamp 'The Wide, Wide River' de James Yorkston and The Second Hand Orchestra est en écoute, notamment, sur Spotify et Deezer La Tim's Twitter Listening Party de 'The Wide, Wide River' de James Yorkston and The Second Hand Orchestra est à revivre ici
Trois titres de 'The Wide, Wide River' de James Yorkston and The Second Hand Orchestra en écoute aujourd'hui. Struggle (en écoute également dans les playlists Spotify, Deezer et Youtube) pour débuter. Puis l'énergique There Is No Upside. Et enfin, A Very Old-Fashioned Blues :
Trois clips tirés de 'The Wide, Wide River' de James Yorkston and The Second Hand Orchestra : Struggle, qui montre bien la façon dont a été enregistré l'album. Puis celui d'Ella Mary Leather. Et enfin, à nouveau A Very Old-Fashioned Blues :
Que vous le vouliez ou non, que vous aimiez ou pas David Gray, vous avez eu au moins une de ses ritournelles dans les oreilles et dans la tête.Mais si souvenez-vous : « If you want it, come and get it, crying out loud ; the love that I was giving you was never in doubt » et autres « Sail away with me honey, I put my heart in your hands. Sail away with me honey now, now, now ». 'White Ladder' - album de qualité et qui vieillit bien au demeurant - fut un tel raz de marée à l'époque (sept millions de disques vendus), qui plus est essoré à l'extrême par East West durant près de trois ans, qu'il est difficile d'être passé à côté.
Perdu de vue depuis 23 ans, David Gray continue, près de 30 ans après le début de sa carrière, de squatter les studios d'enregistrements ; et avec une belle régularité d'ailleurs. 'Skellig' est son treizième album. Sans doute trop long pour un disque folk finalement assez peu habillé et aux chansons qui s'éternisent un peu trop, il n'en recèle pas moins quelques jolies ritournelles (Dún Laoghaire, en écoute aujourd'hui, Accumulates, All The We Asked For notamment), de belles mélodies et la voix de David Gray qui n'a pas bougé d'un iota en un quart de siècle - voire perd un peu de ce côté affecté qui pouvait en agacer certains à l'époque. 'Skellig' n'est pas le disque de l'année, ni même du mois ou de la semaine, mais il y a assez ici pour en faire un bon album de fin de soirée, quand les rues ont retrouvé leur silence et que la ville impose son implacable solitude.
Album : Skellig Année : 2021 Label : Laugh A Minute Records / IHT Records
Savez-vous ce qu'est l'anhédonie ? C'est (et je cite wikipédia) « un symptôme médical qui caractérise l'incapacité d'un sujet à ressentir des émotions positives lors de situations de vie pourtant considérées antérieurement comme plaisantes. Cette incapacité est fréquemment associée à un sentiment de désintérêt diffus (perte de l'élan vital). L'anhédonie, perte de la capacité à ressentir des émotions positives, est fréquemment observée au cours de la dépression et de la schizophrénie. » Tout à fait dans son époque donc.
Anhedonia, c'est également le titre du dernier single de Chelsea Wolfe sur lequel la californienne invite sa compatriote (elle aussi originaire du Golden State) et camarade de label Emma Ruth Rundle (dont j'avais chanté les louanges de son troisième album 'Marked For Death'). Une maladie psychiatrique, deux artistes naviguant dans les eaux troublées du gothique : vous comprenez donc aisément que de rigolade il ne sera point question ici.
Construit sur une base folk, Anhedonia est une longue mélopée noire et torturée (« my sadness has lost its cause and I’m suffocating so don’t come looking for me I’ve got no joy to lend ») où Chelsea Wolfe et Emma Ruth Rundle se partagent les couplets pour mieux se retrouver sur le refrain. Une chanson qui ne cesse de prendre corps au fil de son déroulé, abandonnant sa base folk pour mieux épouser une ambiance plus électrique, nerveuse et hantée, où le mariage final des voix des deux amies est d'une implacable évidence.
Trois ans après un'Captain' plutôt divin (qui fit office de révélation pour l’homme derrière ces mots), dix-huit mois après quelques singles de haute tenue, Aaron Powell et son alias Fog Lake reviennent donner des nouvelles avec l’annonce d’un nouvel album, 'Tragedy Reel', le 23 avril prochain.
Un disque qui sortira chez Orchid Tapes et qui est mis en orbite par Jitterbug, chanson à l'ambiance toute Fog Lake-ienne, faite d'écho, d'une mélodie mélancolique, d'un piano triste et d'une production qu'on dirait toute droit sortie d'un nuage.