Vous cherchiez désespérément le tube de votre été 2025 ? Arrêtez de vous en faire, Brandon Markell Holmes vient vous le servir sur un plateau. Il s'appelle Try et ouvre l'album du même nom, le second du chicagoan (disque qui n'a pour ainsi dire que peu d'intérêt. Pour être honnête, il est même difficile d'aller au bout). Et quelle ouverture !
Une chanson qui est faite du bois de ces morceaux qui emballent au premier regard. Sous ses airs de r'n'b et faussement hip-hop, où sa rythmique rappelle celle utilisée par Four Tet sur son sublime remix de Breathe Me de Sia à son, Brandon Markell Holmes amplifie les basses, met doucement mais sûrement les potards dans le rouge, et assène une production de plus en plus house et electro, qui déploie fièrement ses ailes dans un dernier tiers euphorique et au rythme implacable. Irrésistible, efficace de bout en bout, entêtant, produit à la perfection, ce Try a tous les atours d'un tube en puissance. Qu'il est indéniablement.
'Dan's Boogie' fait partie de ces disques qui ne séduisent pas au premier abord. Il faut dire que si sa deuxième partie est plus sage et piano-centré, tout le début est trop dans l'excès, voire dans le mauvais goût (sirupeux par ci, grotesque par là, avec la voix de Dan Bejar qui sonne presque comme un agent étranger), porté par une production là rien que pour amplifier le moindre de ces défauts.
Et puis, bizarrement, sans que l'on s'en rende réellement compte, on relance l'écoute. Déjà parce qu'il s'agit de Destroyer, que si Dan Bejar m'a un peu perdu depuis quelques albums, cela reste un artiste assez à part sur la scène actuelle. Ensuite parce que très vite, on se rend compte que la première impression était fausse tant on est séduit par cet ensemble volontairement un peu de guingois. Plus on avance, plus on se dit que le disque s'ouvre par une chanson
(The Same Thing as Nothing at All) non pas too much mais au
contraire absolument sublime et qui met
vraiment 'Dan's Boogie' sur orbite. Que la suivante (Hydroplaning Off
the Edge of the World) est d'une efficacité sans borne et que ses effets
de style (ce riff de guitare qui apparait à contre courant du reste pour
aussitôt disparaitre) n'est pas de mauvais goût, bien au contraire. Que Bologna et son ambiance trip-hop est un morceau merveilleux. Que Sun Meets Snow et ses cuivres qui débarquent d'un coup d'un seul, comme s'ils
s'incrustaient à une soirée avant d'être raccompagnés sans délai à la
porte par un maelstrom aussi bruitiste que mélodieux, fait mouche.
On pourrait détailler plus en profondeur chacune des neuf chansons qui composent 'Dan's Boogie'. Dire à quel point la voix de Dan Bejar, pas entendue depuis longtemps, est en fait au
diapason de ses mélodies, qu'il n'en est rien distancié mais qu'il y
vogue avec un flegme charmeur. Mais on proposera plutôt d'écouter cet album, le meilleur de Destroyer depuis 'Kaputt' en 2011. Et à tous ceux qui, comme moi sont passés à côté au départ, de l'écouter vraiment et de lui redonner quelques chances, car comme souvent avec Dan Bejar, tout se mérite. Puis tout s'éclaire d'un coup. Sa grandiloquence vous veut du bien. (Sortie : 28 mars 2025)
Trois chansons de 'Dan's Boogie' de Destroyer en écoute aujourd'hui. The Same Thing as Nothing at All, la chanson d'ouverture, parfaite mise en bouche (en écoute également dans les playlists Spotify, Deezer, Tidal, YouTube et dans la colonne de gauche du blog). Puis la superbe Bologna (en duo avec Fiver). Et enfin le déroutant mais si efficace Hydroplaning Off the Edge of the World :
Deux clips extraits de 'Dan's Boogie' de Destroyer : Hydroplaning Off the Edge of the World et Bologna :
Si 'It's Only A Love Song', le nouvel album de l’écossais C
Duncan, n'a pas toute mes faveurs à cause de son trop plein
d'orchestrations, de son manque de finesse et du sentiment qu'il tourne trop vite en rond, on y trouve tout de même Lucky Today. Elle y occupe la deuxième position, et, n'y allons pas par quatre chemins, dans le genre beauté rare, elle se pose là.
Dans Lucky Today, rien n'est superfétatoire, tout y est à sa place, tout y est juste, de sa basse discrète mais câline, à
la voix de C Duncan d'une grande vérité, de ses arrangements fournis mais jamais larmoyants qui débarquent toujours au bon moment, de son emphase contrôlée qui vient et qui va, à ces
quelques « wouhou » qu'aurait aimé Brian Wilson. Une véritable beauté clinique qu'on dirait tirée d'une bande originale de film et qu'auraient parrainé les Beach Boys. Superbe de bout en bout.
Album : It's Only A Love Song Année : 2025 Label : Bella Union
Sans rien enlever à leur talent pour écrire de bonnes chansons, je n'ai jamais été emballé par Triptides, groupe américain né dans l'Indiana sous la férule de Glenn Brigman et qui a depuis émigré vers le soleil de la Californie - qui convient sans doute bien mieux à leur musique. Et quand bien même, c'est un label bien de chez nous, et pas n'importe lequel (Croque Macadam, celui d'Alexandre Gimenez-Fauvet) qui a publié leur premier 45-tours, 'Going Under'.
Leur dixième et dernier album en date ne fait pas exception. Il s'appelle 'Shapeshifter' et continue à suivre le sillon de leur discographie, à coups de pop psyché bien sentie. C'est bien fait, c'est plaisant, c'est joliment produit mais pour tout dire, ça ne m'émeut pas vraiment. Pour autant, difficile de résister à Your Darkness, troisième chanson de 'Shapeshifter', sa vibe 70s, ses synthés prog, sa psyché qui infuse de partout, sa progression et, surtout, la qualité de sa mélodie.
Perdu de vue depuis 2007 et un 'Civilians'beau comme tout où un sosie de PJ Harvey assis dans une calèche habillait la pochette, Joe Henry, certes sans connaître l'éclat et l'accueil de son 'Tiny Voices' de 2003, n'a pour autant jamais arrêté de jouer et de composer pour mieux continuer une carrière désormais longue de quarante ans.
Et c'est avec surprise qu'il revient dans mes oreilles à l'occasion de la sortie de Life and Time, premier single de l'album du même nom à venir en septembre qu'il a écrit avec Mike Reid, compositeur américain de treize ans son aîné, à la trajectoire stupéfiante et singulière. Car avant de chanter (un peu) et d'écrire pour les autres (beaucoup et notamment pour Ronnie Milsap), Mike Reid a été une star du football américain universitaire, a été sélectionné en septième position de la draft 1970 par les Cincinnati Bengals, d'y jouer quatre saisons, d'y être très bon (un des meilleurs pass rushers de son époque), d'y établir des records (meilleur sacker d'alors de la toute nouvelle franchise des Bengals) avant de mettre un terme à sa carrière, autant à cause de blessures que de son envie de se mettre à composer.
Et Life and Time donc me direz-vous ? Hé bien c'est une mise en bouche superbe de ce nouveau duo pas de première jeunesse (143 ans à eux deux) mais au talent sûr et certain. Mike Reid (au piano) et Joe Henry (à la guitare) inversent leurs rôles habituels, le premier prenant le chant principal, le second venant comme murmurer les paroles en soutien de son acolyte, dans une chanson qui a des atours de noir et blanc, mais sans pour autant être crépusculaire, la simplicité (seuls quelques cordes discrètes viennent s'immiscer en toute fin) et la mélancolie rendant l'ensemble assurément splendide.
Album : Life and Time Année : 2025 Label : Work Song / Thirty Tigers
Petite douceur au programme du jour avec Even with the light on de l'américaine Elly Kace. Une chanson qu'elle présente d'une belle façon : « Prescription : Couper le cordon. Effets secondaires : chagrin, libération ». Car il est question ici de fantômes qui nous collent à l'âme et qui restent attachés à nous alors que l'on aimerait bien s'en détacher. Comme Elly Kace le dit elle même « No matter the spells I cast, the lights I keep lit, there are some souls that are tethered to my existence that hold me in fear patterns. The gentle and loving release of them is the challenge of a lifetime. »
Au-delà du texte et du sens de Even with the light on, c'est surtout musicalement qu'Elly Kace sublime son auditoire. Une chanson délicate autant qu'insaisissable tant elle semble voler ici et là, dans une ambiance cotonneuse à la langueur belle comme tout, qu'un petit gimmick délicieux vient soutenir tout du long et qui une fois dans vos oreilles ne cesse d'y flotter sans jamais vouloir en sortir.
'Self Titled' est le sixième album de l'anglais Kae Tempest (le second depuis son changement d'identité) et pour ainsi dire, je ne saurais trop vous dire de quoi il retourne. La faute à I Stand On The Line (en écoute aujourd'hui), le morceau d'ouverture si incroyable qu'il est difficile de ne pas écouter, réécouter et réécouter jusqu'à plus soif.
Une chanson portée par une production ample et généreuse où Kae Tempest rappe un texte fort sur sa (et la) transidentité, sa difficulté à la comprendre, à l'assumer (« It was a belt 'round my neck / It was too big to look at square
on it kept growing / I'd known it forever, but I tried to stop knowing »), à affronter ses peurs (« Terrified if I told the truth and stopped hiding / (...) I would sacrifice everything I'd made
for myself / My family, my friends, the people who felt my music, would
all leave »), le regard des autres et sa violence intrinsèque (« I
know it hurts you when they look at you strange / Misgender you
intentionally, use your deadname / (...) / Assault you in the street
until you're hardly moving ») et tout ce qu'il a du subir pour être celui qu'il est aujourd'hui (« Thirty-seven, going through a second puberty »).
Sorte de rencontre entre Little Simz et Sage Francis, I Stand On The Line est une chanson engagée, dure, qui n'élude rien des difficultés à être trans en 2025 (« Why are trans bodies always on the agenda? »), qui ne fait pas de faux-semblant, nous renvoie à nos préjugés idiots, et dans le même temps transpire de courage, de force, de résilience, de bonheur à être devenu celui qu'il voulait être (« When I pause and reflect on the years spent exhausted and wrecked /
I just want to go back, put it all on the deck / And say, "Child, just
keep going, keep drawing your breath" ») et donne des raison d'espérer à tous ceux qui, comme Kae Tempest, ont connu, connaissent ou connaitront ces bouleversements intimes. Comme il le dit lui même en deux vers magnifiques sur la fin du premier couplet : « If you turn your back on the light for too long / The light doesn't die, it just stops trying to find you ».
Album : Self Titled Année : 2025 Label : Island Records
Quatre ans après un premier album joli comme tout et quelques singles ici et là (la beauté Weird Sister au hasard), les californiens de The Telephone Numbers vont enfin donner une suite à leurs aventures jangle-pop. Et quoi de mieux pour se faire que de signer de Slumberland Records ?
Le label d'Oakland sera donc la nouvelle maison du quatuor, qui a pour ce nouvel album 'Scarecrow II' appelé quelques membres de figures actuelles de l'indie-pop de San Francisco à venir les épauler (The Umbrellas, Neutrals, Chime School ou Tony Molina mais sans Glenn 'The Reds, Pinks and Purples' Donaldson, ancien membre du groupe). Et à en croire le premier single extrait, cela promet beaucoup ! Car Be Right Down (en écoute aujourd'hui) est de la race de ces singles impeccables de bout en bout, catchy au possible, indie/jangle-pop comme jamais et qu'un violon sur le refrain envoie au royaume des grandes chansons.
Album : Scarecrow II Année : 2025 Label : Slumberland Records
Le saviez-vous ? Mên An Tol est le nom d'un site mégalithique des Cornouailles, célèbre pour sa pierre circulaire
trouée accompagnée de deux autres pierres dressées, et auxquelles on
attribue des pouvoirs miraculeux et notamment de guérison. Sans aucun lien avec d'éphémères homonymes, à l'accent circonflexe près, du début des années 2010, Mên An Tol est également le nom du groupe du jour. Un quintet londonien, dont le chanteur Bill Jefferson est
originaire des... Cornouailles (ceci expliquant cela), aux têtes et à la musique on ne
peut plus anglaises et qui s'apprête à publier son deuxième Ep de
l'année.
Un disque ('This Land'), promis pour fin septembre prochain, produit par le Fontaines D.C. Carlos O’Connell et qui s'annonce par Not Ideal (en écoute aujourd'hui), chanson qui ne fait pas dans le neuf, mais qui a le bon goût d'être bien
mené, mélodiquement impeccable et mélancolique à souhait. De la belle ouvrage indie-pop.
Album : This Land Ep Année : 2025 Label : Mên An Tol Records
Après quelques semaines de vacances les pieds dans l'eau, le vent dans les cheveux et le soleil sur le visage, retour aux affaires avec Running From Myself, une des trois nouvelles chansons de l'anglaise Caity Baser, sans doute prélude à un nouvel album à venir.
Un morceau enregistré à grand renforts de musiciens (quatorze aux cordes, six aux
cuivres, rien que ça), de clappings et de chœurs sur le refrain, qui fait tout bien en 2'37" tout pile, entre une ligne de basse on ne peut plus classique (combien de chansons a-t-elle déjà accompagné ?), une énergie communicative et un rythme
échevelé. Certes, Running From Myself de Catie Baser ne passera peut-être pas l'été, mais si c'est le cas (ce qui reste à prouver), elle a déjà de quoi habiller bon nombre de soirées d'ici la fin du mois d'août.
Si elle ne truste plus les couvertures des magazines, si ses principaux moteurs ne font
plus dans les déclarations tapageuses tels leurs glorieux ainés
aujourd'hui plus que cinquantenaires et qui ont appris entre temps à
s'apprécier, si les débats "Beatles ou Rolling Stones ? Blur ou Oasis ?" n'ont pas trouvé de successeurs, la pop anglaise (au sens large) se porte bien, merci pour elle. Portée par une nouvelle génération épatante et très diverse, la scène britannique n'arrête pas de se renouveler, de se réinventer, et de produire des albums, si ce n'est majeurs, au moins marqueur de leur époque.
Alors certes, il n'est pas dit que les londoniens de Gingerella révolutionneront un jour la pop, le rock ou tous ses courants, mais après un premier Ep 'Eat Your Heart Out' (publié chez les français de Pop Supérette), revoilà le quatuor avec un nouveau single, Party Girls, diablement efficace. Une chanson basée sur un canevas usé jusqu'à la corde mais à l’efficacité indéniable, au rythme et à la mélodie entêtants. Un tube, rien de moins, anglais jusqu'au bout des ongles, et qui a tout pour accompagner vos prochaines semaines estivales.
Né en 1977, Cass McCombs a toujours eu un rythme d'un album tous les deux/trois ans environ depuis ses débuts en 2023. Pourtant, depuis 2020, il semble ne jamais avoir été productif ; à croire que la crise de la quarantaine n'a pas eu prise sur lui. 'Interior Live Oak' (à paraitre le 15 août prochain) sera son quatrième disque en quatre ans tout simplement, un an après 'Seed Cake on Leap Year', une collection de chansons enregistrées il y a bientôt trente ans avec Jason Quever de Papercuts (qu'on retrouvera d'ailleurs ce ce nouvel album, à l'instar de Chris Cohen et Matt Sweeney notamment).
Sur 'Interior Live Oak', on trouvera Peace (en écoute aujourd'hui), chanson qui n'est pas une supplique désespérée aux fous furieux qui nous dirigent actuellement mais une belle ode aux adieux, parfois définitifs, auxquels nous devons tous faire face un jour ou l'autre (« Peace is what we say when we say goodbye, when we say goodbye we say peace »). Surtout une très belle chanson folk-pop, superbement produite, aux cymbales qui bourdonnent, aux guitares électriques qui s'y noient (à moins que ce ne soit l'inverse), le tout relevé d'un petit gimmick lumineux et emballant.
Album : Interior Live Oak Année : 2025 Label : Domino Records
Quoi que son nom pourrait faire croire, JayWood n'est pas la contraction de deux patronymes de rappeurs venus enregistrer un disque ensemble genre J Dilla (20 ans bientôt) et Billy Woods (dont il faudra parler du dernier 'GOLLIWOG' un de ces jours), mais le simple nom de scène de Jeremy Haywood-Smith, artiste canadien originaire de Winnipeg.
Un musicien souvent croisé mais jamais écouté qui s'apprête à publier son troisième album (le deuxième pour Captured Tracks) 'Leo Negro' le 5 septembre prochain. Et si les deux premiers extraits ne m'ont pas vraiment renversé (même s'il faut admettre que BIG TINGS avec Tune-Yards a un truc), il en va autrement de ASSUMPTIONS (oui, JayWood a la passion des majuscules). Une chanson qui commence comme une balade mais qui se transforme très vite en hip-hop plein de clappings, de guitare pop dans le fond, en s'offrant même le luxe d'un petit passage r'n'b à l'ancienne sur la toute fin. Grand morceau, efficace d'un bout à l'autre.
Album : Leo Negro Année : 2025 Label : Captured Tracks
En ces jours de canicule désormais habituels mais toujours plus longs et insupportables (il y a des gens qui aiment vraiment l'été. Mais qui sont-ils ? Quels sont leurs réseaux ?), restons dans l'ambiance avec Weight of It All, un des morceaux du nouvel album des anglais de The Golden Dregs, projet solo créé par Ben Woods, depuis devenu sextet.
Une chanson lancinante et langoureuse, aux atours étouffants et inquiétants, où Ben Woods (et sa voix profonde, sorte de Matt Berninger en plus grave) laisse exceptionnellement le micro à Isabelle Armstrong, qui déroule avec force et élégance des paroles peu réjouissantes, sur fond de beaux cuivres. La vraie réussite de ce 'Godspeed' et un compagnon adéquat à ces jours de fournaise.
Album : Godspeed Année : 2025 Label : Joy of Life International / End Of The Road Acheter
Surprenant ce premier extrait de 'The Tomorrow Man', le nouvel album à venir le 31 octobre prochain de Micah P. Hinson. Lui qui nous avait habitués en plus de 20 ans de carrière à des chansons folk toujours plus mélancoliques et qui ne respiraient jamais le bonheur, compose là un Oh, Sleepyhead (en écoute aujourd'hui) plein d'emphase, qui ne cesse de virevolter tant il est fastueusement orchestré (c'est le Benevento orchestra qui l'accompagne ici, et sans doute sur le reste du disque) et qu'on a envie de chanter à tue-tête pour accompagner sa voix reconnaissable entre mille. Un morceau important dans la vie de Micah P. Hinson (son écriture coïncide à des changements majeurs dans sa vie et qui semblent l'avoir vu renaitre) mais surtout, aussi remarquable que superbe.
Album : The Tomorrow Man Année : 2025 Label : Ponderosa Music Records
On savait qu'il était fatigué. On savait qu'il n'était plus vraiment parmi nous depuis bien longtemps, sans doute depuis la fin des années 60 et l'enregistrement inachevé de 'SMiLE', le disque de sa vie qu'il avait dans sa tête mais qu'il n'a jamais su entièrement mettre sur bandes. On savait que la mauvaise nouvelle n'allait pas tarder à tomber, surtout à plus de 80 ans, surtout après le décès de sa femme l'an passé. On y était préparé.
Et pourtant, l'annonce du décès de Brian Wilson m'a ému. Beaucoup ému. Il faut dire que dire un adieu définitif à un des deux plus grands génies de l'histoire de la pop a de quoi toucher. Un homme responsable d'avoir écrit un des plus beaux disques de l'histoire de la musique, considéré par des générations entières comme un chef d’œuvre absolu (lisez ce qu'en disait ?uestlove hier soir), disque qui a peut-être fait des Beatles ce qu'ils sont devenus, qui a influencé plus qu'une époque, et dont les versions « a cappella » des 13 chansons (sur le coffret 'The Pet Sounds Sessions')est une des choses les plus merveilleuses au monde.
Un compositeur qui a élevé au rang d'art la pop music comme personne d'autre avant lui. Et le seul artiste qui peut s'asseoir à la table de tous les autres (pop ou non) des soixante dernières années et dire « qui a écrit une plus belle chanson que God Only Knows ? ». Personne, évidemment. Merci pour tout génie, car Dieu seul sait où la musique serait et où nous serions si nous n'avions pas croisé votre route.
Il semblerait que James Yorkston ait trouvé son nouvel idéal. Il y a quatre ans, l’Écossais s'était retrouvé en Suède, avait rencontré The Second Hand Orchestra (quel superbe nom), grande confrérie musicale menée par Karl-Jonas Winqvist, au sein de laquelle évoluent de très bons faiseurs pop (le Peter de Peter Bjorn and John par exemple), et avait enregistré avec eux 'The Wide, Wide River', album magistral et généreux au possible, pas cornaqué pour un sou et d'une liberté folle.
Deux ans plus tard, James Yorkston et ses nouveaux amis avaient remis cela avec 'The Great White Sea Eagle' en invitant Nina Persson de The Cardigans à se joindre à eux. Si le disque était joli comme tout, il manquait de fraîcheur, comme plus cadré, où les inspirations inattendues qui donnaient tant de charme au précédent avaient disparu.
Sur 'Songs for Nina and Johanna', son nouvel album à venir le 22 août prochain (le seizième solo, rien que ça), James Yorkston reprend la même bande avec lui, convie à nouveau Nina Persson mais aussi Johanna Söderberg, une des deux sœurs de First Aid Kit. Deux femmes à qui il dédie le disque ('Songs for Nina and Johanna') et écrit dix chansons, cinq chantées avec l'une, cinq avec l'autre. Pour l'instant, deux sont disponibles et laissent à croire que le zeste de magie qui habitait 'The Wide, Wide River' est bien de retour. Il suffit d'écouter Love / Luck pour s'en convaincre (en écoute aujourd'hui). Une chanson à la mélodie toute Yorkston-ienne, chantée en duo avec Johanna Söderberg (et leur mélange de voix est merveilleux), avec pour base une guitare folk drivée par un piano beau et lumineux, et des orchestrations qui viennent peu à peu participer à la fête. Un morceau remarquable, ample et qui, comme souvent avec James Yorkston, emballe autant qu'il émeut.
Album : Songs for Nina and Johanna Année : 2025 Label : Domino Records
Après Flood il y a quelques semaines, une fois n'est pas coutume, parlons aujourd'hui d'une autre chanson du nouvel album de Little Simz, paru vendredi dernier. Un disque très attendu après les deux excellents précédents albums et où l'on espérait voir l'anglaise revenir à son meilleur suite à un 'Drop 7 Ep' l'an passé plutôt quelconque et plutôt raté.
Ce nouvel album ('Lotus') a été travaillé sans Inflo, pourtant un des architectes, si
ce n'est la matrice, des trois précédents et qui donnait aux chansons de Little Simz sa patine et son éclat (le chef d’œuvre 'I Might Be Introvert' et son incroyable chanson d'ouverture Introvert lui doivent beaucoup). Mais l'anglaise s'est depuis brouillée avec le leader de SAULT pour une sombre histoire financière (pour la faire
courte, elle lui réclame le remboursement d'un prêt de 2,2 M$, rien que
ça) et est donc partie voir ailleurs (Miles Clinton James en l’occurrence), pour mieux aussi se réinventer. Et à l'écoute, le changement ne l'a pas changée et son talent, la précision de son rap et la finesse de son écriture toujours aussi incandescents.
Dans ce disque dont on n'a pas fini de découvrir les contours tant il
regorge de moments forts, on ressortira tout de même très rapidement
Lotus (en écoute aujourd'hui), chanson titre aussi majuscule que majestueuse, sur laquelle Little Simz
invite le batteur jazz Yussef Dayes et le grand Michael Kiwanuka. Un morceau à l'orchestration divine, au piano comme ivre, à la rythmique presque déroutante, où Little Simz rappe comme si sa vie en dépendait, quand Kiwanuka l'accompagne de sa voix d'or et rassurante (on dirait d'ailleurs que Lotus a été écrit sur mesure pour lui. A moins
que ce soit lui qui est capable de faire sienne n'importe quelle
chanson). Les anglais ont un mot pour ce genre de chose : masterpiece.
Album : Lotus Année : 2025 Label : AWAL Recordings